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jehannedarc
Description du blog :
Autour de Jehanne la Pucelle, dite "Jeanne d'Arc".
Articles et travaux divers.
Catégorie :
Blog Société
Date de création :
23.01.2010
Dernière mise à jour :
17.11.2025
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Derniers commentairesprobablement quelqu'un de sa suite...
http://jehanne darc.centerblo g.net
Par jehannedarc, le 19.02.2018
pour laurie thinot. pardon pour le retard... à vous répondre. je n'ai pas connaissance à l'heure actuelle de c
Par jehannedarc, le 07.03.2017
très intéressant! nous y faisons même quelques découvertes!
merci de nous contacter sur le site des "secrets
Par webmestre, le 07.02.2016
bonsoir,
votre liste est impressionnant e ! je vous félicite !
auriez-vous connaissance d'un guillaume de
Par Thinot Laurie, le 23.06.2015
sait-on qui est thomas mitard à qui s'adresse la reine isabeau ?
Par Anonyme, le 04.11.2014
lescompagnonsduloup.forumactif.com/
Un exécuteur de la haute justice du roy au moyen-âge
Geoffroy THERAGE, le bourreau de Jehanne la Pucelle
La torture, la peine de mort sont interdites en France, et c'est très bien !
Il n'en était pas de même au moyen-âge, et la justice, à l'époque, ne faisait pas dans la dentelle... Nous allons en avoir un exemple dans ce qui suit.
Bien évidemment, il faut se replonger dans le contexte de cette période, où les habitudes, les moeurs, la manière de voir les choses étaient différents. L'anachronisme est la pire des choses lorsqu'on se plonge dans l'histoire.
Le personnage que nous allons évoquer passerait de nos jours pour un personnage sanguinaire et sans pitié... un monstre ! Pour ce temps, il faisait partie du système, et personne n'avait rien à y redire ni à s'en plaindre. Une curiosité morbide poussait même les gens à assister à ces exécutions.
L'exécuteur (ou le "persécuteur", nom bien choisi !) de la haute justice du roi... c'est le bourreau ! Celui dont nous allons parler se distingue, parmi les autres, par le fait que c'est lui qui fera subir à Jehanne la Pucelle son martyre. Autrement, il n'était certainement pas différents de ses collègues.
Il se nommait Geoffroy THERAGE, et son nom, pour le motif ci-dessus, restera dans l'histoire. Pendant au moins 25 ans, il semble que ce ne soit que lui qui soit le bourreau officiel, l'exécuteur des hautes oeuvres patenté, comme son titre l'indique : "maistre persécuteur des haultes oeuvres du Roy", au bailliage de Rouen.
De nombreuses quittances conservées à la Bibliothèque Nationale permettent de suivre son "travail" au long de ces années, de la première, le 6 août 1407, à la dernière, le 25 mars 1432, soit 25 années de "bons et loyaux services", sous Charles VII de France, puis sous les rois d'Angleterre Henry V et Henry VI ensuite.
De cette longue liste de quittances, nous pouvons en extraire quelques unes :
Puis, le 30 mai 1429, c'est lui qui brûle Jehanne.
Mais là, pour la Pucelle, il semble bien qu'il ait ressenti quelques remords. Etait-il sincère ? Jehanne, "embronchée" (cagoulée) fut amenée et il accomplit son travail. Puis, il déclara ensuite qu'il avait "grande compassion de la forme et cruelle manière" dont les Anglais faisaient mourir Jehanne, sur son haut échafaud, où "il ne la pouvoit bonnement ni facilement expédier ni atteindre à elle."
En effet, la coutume était, avant que le corps ne commençât à être touché par le feu, que le bourreau monte sur l'échafaud et étrangle le condamné. Geoffroy ne put faire cette besogne sur la condamnée. On rapporte aussi qu'il fut bouleversé du fait que le coeur, "nonobstant l'huile, le soufre et le charbon" soit demeuré intact parmi les flammes et les cendres.
Il se confie à un moine, frère Isembart, qui rapporta que, "incontinent après que l'exécution, le bourreau vint à moi et à mon compagnon, frère Martin Ladvenu, frappé et ému d'une merveilleuse repentance et terrible contrition, comme tout désespéré, craignant de ne savoir jamais impétrer pardon et indulgence envers Dieu de ce qu'il avait fait à cette sainte femme."
On a du mal à y croire ! Il est vrai que les Anglais craignaient Jehanne comme une sorcière, et les ouï-dire ainsi que la non combustion du coeur dut l'interpeller quelque peu. Mais il fera quand même son travail jusqu'au bout, et ira jeter le coeur dans la Seine.
Mais c'était son activité habituelle, celle qui le faisait vivre, et qui lui permettait de très bien gagner sa vie. De plus, il était habitué à son oeuvre de mort, la pratiquant depuis très longtemps. Par la hache, le feu, la pendaison, plusieurs centaines de personnes passèrent entre ses mains, non seulement des criminels, mais aussi des gens qui résistaient à l'occupation anglaise.
L'une des quittances nous révèle pratiquement le "modus operandi" utilisé par Thérage :
Mandement de paiement pour une exécution de justice à Rouen - Salaire du bourreau.
Rouen, le 20 mai 1428.
"Jehan SALVAIN, chevalier, bailly de Rouen et de Gisors, au Viconte de Rouen, ou à son lieutenant, salut.
Nous avons tauxé à Guieffroy Thérage, maistre exécuteur de la haulte justice du Roy, nostre sire, audit lieu de Rouen, pour sa paine et sallaire d'avoir traisné au bout d'une charrette, sur une claye, Pierres Le Bigourdais, natif de la Haye-Malherbe, depuis le prisons (sic) du Roy, nostredit sire, ou dit lieu de Rouen, jusques au Vieil Marchié, et audit lieu luy avoir couppé le poing, décapité et escartellé, et, d'icellui vieil Marchié, avoir mené en icelle charrette le corps d'icellui jusques à la justice, et audit lieu l'avoir pendu et mesmes assis la teste sur une lance, et pendu les quatre membres d'icellui, chascun à une vaulle (une voûte ?) à quatre portes de ladicte ville, qui à ce avoit esté condamné pour ses démérites.
C'est assavoir :
montent les parties dessus dictes la somme de quatre livres huit soulz tournois.
Sy vous mandons que, des deniers de vostre recepte, vous païez, bailliez et délivrez ladicte somme audit Geuffroy.
Et par rapportant ces présentes, avec quictance d'icellui Geuffroy, ce vous sera alloué en vos comptes et rabatu de vostre recepte, ainsi qu'il appartendra.
Donné à Rouen, le 20ème jour de may l'an 1428.
Signé : Dubusc."
(Bibl. Nat., MSS., vol.26.051, n° 889)
CQFD ! Qu'avait donc pu faire le pauvre Pierre Le Bigourdais pour mériter pareil traitement ?
On sait que Jehanne ne fut pas soumise à la "question" dont elle fut dispensée. Mais, dans la grosse tour du château de Rouen, ce n'est pas Thérage qui lui aurait infligée, le 9 mai 1431, mais Mauger Leparmentier qui était alors l'appariteur de l'Officialité, le tribunal religieux. Mais le 24 du même mois, il dut "pester" de perdre son temps. Près du cimetière de Saint-Ouen, il attendait avec un chariot que Jehanne lui fut livrée, mais la pseudo abjuration de cette dernière reporta à plus tard son exécution.
Dans la nuit du 29 au 30 mai, ce fut lui qui dut surveiller la construction du grand échafaud, une sorte de plateau de bois, rempli de fascines et de fagots, reposant sur un socle fait de pierres et de moellons. Beaucoup de monde assista au martyre de la Pucelle.
Ce qui est singulier, c'est le temps que dura la "mise en scène". Jehanne, revêtue d'une longue robe de grosse toile, arrive aux alentours de 9 heures, en même temps que les juges et les dignitaires anglais. Deux heures s'écoulent. Nicolas Midy prêche la condamnée; l'évêque Pierre Cauchon lit la sentence. Jehanne fait sa "regraciation", ses prières et lamentations. Tout cela est long... Un dignitaire interpelle : "prêtre, nous ferez-vous dîner ici ?"
Autre fait singulier : le bailli, Jehan SALVAIN, ne prononce pas la formule légale de condamnation, anomalie plutôt rare. Ce bailli, d'ailleurs, avait peut-être déjà vu Jehanne, ou du moins entendu parler, car ses troupes avaient participé au siège d'Orléans en 1429.
Enfin, Thérageattache Jehanne au poteau sur le bûcher, qu'il déclara d'ailleurs plus élevé qu'à l'habitude.
A onze heures seulement, il met le feu au bûcher. De temps en temps, il pousse et attise les flammes jusqu'à ce qu'il ne reste plus que quelques ossements calcinés, dans les cendres, et aussi.... le coeur, intact, qu'il ira dans l'après-midi, sous escorte anglaise, jeter dans la Seine.
Il continue néanmoins à pratiquer son métier. Il fit, si l'on peut dire, même pire en 1432.
A Beauvais, sous les ordres du maréchal de Boussac, les français se préparaient à assiéger Rouen pour reconquérir la cité. Une nuit, un détachement de 105 français s'introduisent subrepticement dans le château, pour le prendre, et en égorgent la garnison, sous le commandement d'un nommé Ricarville. Les anglais, en hâte, font venir des soldats des environs, pour prêter main-forte, et assiègent les français retranchés dans la tour.
Ricarville et ses compagnons vont les braver durant 17 jours, puis se rendent enfin, le 18 mars 1432, les canons étant venu à bout de leur résistance.
On prend les français, et on coupe aussitôt la tête à Ricarville, leur chef. Les autres sont livrés à Thérage, qui va tous les exécuter le même jour.
Il décapite, écartèle, pend les membres, "asseoid" les têtes sur des lances... 104 fois !! Un vrai massacre... une épouvantable tuerie !
A-t-il mit des gants, comme il l'avait fait aussi pour Pierre Le Bigourdais... ? Raffinement suprême !
Alors, peut-on croire qu'il ait ressenti de la compassion sincère et du repentir lorsqu'il brûla la Pucelle ?
Il est légitime d'en douter.
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La reine Isabeau de Bavière
Notice Historique
La reine Isabeau de Bavière, épouse de Charles VI
Et son séjour à Orléans en mai 1417.
Quelques mots sur la vie de la reine.
En 1398, la reine de France, Elisabeth de WITTELSBACH (Isabeau de Bavière, qui signait "Ysabel", épouse de Charles VI), obtint de son époux l'Hôtel Barbette, à Paris, pour en faire sa propre demeure. Elle avait de nombreuses possessions et rentes.
La même année, elle obtenait du roi, pour Hémon RAGUIER, deux hôtels situés à Saint-Ouen, pour le récompenser d'avoir négocié l'achat de terres pour la reine. Celui-ci s'occupa longtemps des finances d'Isabeau.
Elle mettait en lieux sûrs des sommes d'argent, afin d'en disposer librement. En mai 1416, par exemple, elle était au château de Vendôme, qui appartenait au comte Louis de BOURBON. Elle avait 3.000 francs d'or qu'elle déposa entre les mains des moines de l'abbaye de la Trinité de Vendôme. Pour être sûre de leur discrétion, elle leur permit de disposer de cet or si elle ne le réclamait pas de son vivant, sous réserve de dire des messes et de célébrer un anniversaire pour elle et Charles VI, le roi, son époux. Un acte fut fait qui portait la signature d'Isabelle, et contresigné par Jehan LEPICART, son secrétaire :
"Comme huy, a nostre requeste et contemplacion, noz bien améz les religieulx soubz prieur et couvent du moustier de la très Saincte Trinité de Vendosme, ou diocèse de Chartres, ayent prins et receu de nous, par manière de garde et de deppot, la somme de trois mil francs en escuz d'or à la couronne de xviii sols par pièce, laquelle somme nous leur avons faict bailler... en nous promectant de bonne foy et par leurs lectres sur ce faictes, de nous rendre ladite somme toutes et quantes foys que les en requerrons ou ferons requérir... ou cas que en nostre vie et devant nostre décès ne l'auroins reprise par devers nous, soit par l'advis, conseil et ordonnance de nos diz conseillers, acquise, achetée entièrement admortie rente perpétuelle pour ladite église et les suppoz d'icelle, laquelle rente nous, dès maintenant pour lors oudit cas, donnons et laissons à ladite église, moyennant et parmy ce que les liz religieulx et leurs successeurs seront tenuz, abstrains et obligiez de dire et célébrer perpétuellement par chascun jour une messe à basse voix et au bout de chascune année un anniversaire solennel."
En mars 1417, elle envoya auprès du chapitre collégial de Saint-Aignan, à Orléans, son secrétaire Jehan SALANT, porteur d'une somme de 4.000 francs. Il était indiqué que, si la somme ou partie de la somme restait entre les mains du chapitre lors de son décès, les dépositaires pourraient consacrer les 4.000 livres à l'achat de rentes, sous réserve que pour chaque somme de 60 livres parisis de rente, le chapitre ferait célébrer chaque jour une messe et, une fois par an, l'anniversaire de la donatrice.
Son frère, Louis de Bavière, vivait à ses crochets. Il coûtait 30.000 francs par an, au moins, dont Isabeau fournissait 3.000.
Jehan Le BLANC, le 10 avril 1400, remplaça Hémon RAGUIER, devenu trésorier des guerres. Hémon était le frère de Raymond RAGUIER, maître de la Chambre aux deniers du roi. En 1393, fut créée l'Argenterie de la reine, dirigée par Hémon de 1398 à 1403.
Hémon et Raymond constituèrent la Chambre aux deniers d'Isabelle de France, fille de la reine Isabeau, future épouse du roi Richard II d'Angleterre.
Isabeau se rendait surtout à l'Hôtel Barbette - qu'elle possédait en propre - que pour se détendre et fuir la cour. Elle ne l'a possédé que de 1399 à 1408 et, sur ces neuf ans, n'y vécut en permanence que six mois.
Hémon RAGUIER était resté au service de Charles VII, après avoir été au service de son père Charles VI. En avril 1423, Henry VI, roi d'Angleterre, donna à Isabeau les biens que Hémon possédait en France, en paiement de ce que ledit Raguier était redevable :
"Henry, par la grâce de Dieu Roy de France et d'Angleterre, savoir faisons à tous présens et advenir nous avoir esté exposé de la partie de très haulte et très excellente princesse nostre très chière et très amée ayeule, Ysabel(c'était sa grand-mère !), par la grâce de Dieu Royne de France, que un appelé Hémon Raguier, lequel est rebelle et désobéissant à nous, par quoy tous ses biens, possessions et héritaiges sont à nous confisquez et acquis, a esté long temps trésorier et receveur général de toutes les finances."
Evidemment... car la reine avait désavoué son fils le Dauphin, futur Charles VII, et Hémon était passé au service de celui-ci. Hémon est redevable envers la reine Isabeau de sommes importantes, lesquelles :
"... elle ne puet recouvrer sur icellui Hémon Raguier si comme elle dit, en requérant, pour paiement et recompensacion de ce, que tous les héritaiges, seigneuries, maisons, cens, rentes, revenues et possessions que ledit Hémon Raguier tenoit et possédoit en nostre royaume de France lui feussent octroyez et délaissiez."
Nous connaissons quelques unes de ces propriétés : une maison de la rue des Blancs-Manteaux tenant à l'église du même nom, trois maisons de la rue de Paradis situées non loin de là, une maison de la rue Vieille-du-Temple aboutissant par derrière aux Poulies, des héritages sis à Arcueil.
La reine Isabeau appréciait la ville d'Orléans.
Elle préférait le poisson à la viande (elle raffolait des ombres de Loire). Elle demanda un jour à Thomas MITARD d'aller de Paris à "Sainct-Mamin-lès-Orliens" (Saint-Mesmin) quérir et rapporter des pâtés d'ombres.
A Orléans, en 1417, on lui présente des poissons. Jehan Le BERCHE le jeune, poissonnier, reçoit 9 livres 12 sous parisis "pour la vente de deux luz, deux grans carpes, trois grans braines et ung bar."
Toujours à Orléans, on lui présente du vin. La vente de trois tonneaux de vin rapporte 15 livres 4 sous parisis à "Maistre Estienne GERME, Raoulet de RECOURT et Guillaume LIGIER." Jacquet LEPRESTRE, varlet de la ville (sorte d'appariteur) reçoit 7 sous parisis pour trois chopines d'étain destinées à présenter les dits vins.
Elle possédait une léoparde et un singe. Elle faisait beaucoup de dons.
Une autre Elisabeth de WITTELSBACH, connue sous le surnom de "Sissi", impératrice d'Autriche et reine de Hongrie, énoncera plus tard une pensée bien belle, mais bien triste :
"Dans la vie de chacun, il y a un moment où la flamme s'éteint de l'intérieur."
Passage de la reine Isabeau à Orléans en mai 1417.
Brouillée avec le roi d'Angleterre, celui-ci la fait pratiquement prisonnière, et la fait exiler, lorsque Charles devient Dauphin à la mort de son frère aîné Jehan. Elle part de Vincennes, "gardée" par une force armée qui la conduit à Tours, par Orléans et Blois. Elle n'est plus au pouvoir.
Début mai 1417, elle est à Janville, petite cité de Beauce, entre Paris et Orléans, qui sera en 1429 la plaque tournante du dispositif mis en place pour le siège d'Orléans par Salisbury.
A Orléans, avertis de son arrivée prochaine, les échevins ne savent comment faire. Elle reste malgré tout la reine de France. Gilet POTIER, sergent ducal d'Orléans, lui rend visite à Janville pour savoir quand elle passerait à Orléans. Il revient douze heures plus tard.
Orléans lui envoie une délégation d'échevins, à Janville, pour demander à ce que les hommes d'armes de l'escorte évitent Orléans, car ils craignaient des troubles, mais surtout pour connaître la manière dont la cité devait recevoir la reine. Les hommes de la délégation se nommaient : Jehan AUBELIN, Guyon du FOSSé, Robin de SAINT-MESMIN, Berthaut MIGNON et Raoulet de RECOURT.
Le 14 mai 1417 (ou le 13 au soir), elle entre dans Orléans. On lui présente des poissons et du vin (voir ci-après). La reine, avec ses gardiens, avait accédé au désir des orléanais, et n'entra en ville qu'avec une escorte réduite. Le gros des hommes d'armes s'installa dans les alentours de la cité. Ensuite, elle partira, toujours escortée, pour Blois, puis Tours.
Le 2 novembre 1417, elle est délivrée par le duc de Bourgogne et 800 cavaliers. Elle rentre triomphalement à Tours avec lui, puis ils partent pour Chartres.
Le compte de Gilet BAUDRY :
La ville d'Orléans, dans ses comptes de commune, conserve la trace de ce passage de la reine Isabeau. En voici transcription du texte original :
Compte de Gilet BAUDRY - Mandaté le 2 septembre 1417.
(Doc. Archives d'Orléans - Comptes de commune)
Evaluation succincte :
Muid : ancienne mesure de capacité pour les liquides, les grains et diverses matières, et qui variait selon les pays et les marchandises. A Paris, le muid valait 274 litres, pour le vin.
Mine : ancienne mesure de capacité pour les matières sèches, valant en France 78 litres environ.
- on a donné 12 "muis" d'avoine, soit : 12 x 274 = 3.288 litres.
- on a donné 2 mines d'avoine à l'écuyer, soit : 2 x 78 = 156 litres.
Sous toutes réserves, si les mesures étaient celles-ci en 1417, et à Orléans, et si l'on compte 20 litres par cheval, il y aurait donc eu :
. 3.288 : 20 : 150 ou 160 chevaux pour l'escorte de la reine.
. 156 : 20 : 7 ou 8 chevaux dans la troupe de l'écuyer.
Pour le vin : 3 tonneaux = 6 traversins; un traversin = 210 pintes, soit 240 litres. La pinte fait : 1,14 litres. Cela fait environ 1.760 litres, soit, si l'on part sur environ 170 hommes : à peu près 10 litres par homme !
La reine Isabeau et ses geôliers furent bien reçus en la ville d'Orléans.
ref. : Comptes de la ville d'Orléans - Comptes de commune - Médiathèque Orléans (documents précieux) - Bull. SAHO.
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THOMAS de SCALES - Capitaine de PONTORSON et de Domfront
Petit travail sans prétention
réalisé en septembre 2004
pour la ville de PONTORSON
au sujet de la forteresse dont furent tirés des hommes
qui participèrent aux évènements du siège d'Orléans, en 1429,
jusqu'à la délivrance de cette cité par les troupes conduites par
Jehanne la Pucelle, sous le commandement du capitaine de l'époque :
Le chevalier banneret Thomas de SCALES
Mention d'une petite troupe venant de Domfront, dont ce chevalier
était également le capitaine.
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Thomas de Scales, chevalier banneret, capitaine de Pontorson et de Domfront.
Thomas de SCALES était un grand seigneur et un capitaine réputé chez les Anglais.
Selon les documents, on trouve son nom orthographié : d'ESCALLES - LESCALE, et même aussi SCALIE ou de SCALYS.
Seigneur de Nucelles, il avait des armoiries "de gueules à six coquilles ou écailles" - en anglais : scale - de Saint-Jacques en argent."
Il était chevalier "banneret", la plus haute distinction après l'écuyer, le chevalier bachelier et le chevalier, et avait donc le droit d'arborer une bannière en haut de son château et au combat. Cet élément permettait aussi à ses troupes, lors des batailles, de toujours savoir où se trouvait le chef, et de pouvoir se regrouper autour de lui.
Les chevaliers bannerets étaient en principe les plus riches, et ce sont eux qui pouvaient lever les troupes les plus importantes. Celle de Thomas de SCALES, pour le siège d'Orléans, était de 200 hommes, troupe déjà importante pour l'époque. C'est du moins pour ce nombre qu'il signe avec le duc de Bedford, Régent en France pour son neveu Henry VI, "qui se disait roi de France et d'Angleterre", une endenture(contrat d'engagement), le 23 décembre 1428, pour "50 hommes d'armes à cheval, lui compris, et 150 archers, pour servir au siège d'Orliens."
Chaque homme d'armes étant accompagné au moins d'un page et d'un coutillier (armurier ou valet d'armes), on peut dire que 50 hommes d'armes représentent 150 personnes. Avec les archers, cela fait environ 300 combattants.
L'armée anglaise était à cette époque la mieux organisée. De plus, ses archers possédaient le "long bow", un arc très puissant qui avait déjà fait ses preuves dans des batailles comme celles d'Azincourt.
Le capitaine signait avec le roi (ou son représentant) une endenture, document en deux parties, dentelé (d'où le nom) où figurait de chaque côté le texte du contrat. On le déchirait ensuite en deux morceaux, celui signé par le chevalier conservé par le roi, et celui signé par le roi conservé par le chevalier.
Sur cette endenture, ce contrat, était précisé le nombre d'hommes à fournir, le but de l'engagement, la solde correspondante et parfois des stipulations particulières. Les soldes étaient les suivantes :
(*) au siège d'Orléans, en février 1429, les archers avaient demandé et obtenu une augmentation de leur solde, pour cause de vie chère, qui passa de 5 à 6 livres tournois pour les archers stationnés sur place au siège.
En garnison, un contrôleur passait en revue (on nommait cela une "montre") les troupes qui y étaient stationnées, tous les trois mois, et établissait un rapport précisant les présents, les manquants et le motif de leur absence.
"Sur les champs" (en campagne), la montre était faite en principe chaque mois, par des commissaires désignés, qui vérifiaient non seulement les hommes présenta, par rapport à l'endenture, mais aussi si leur équipement et leur armement était adéquat. Il pouvait y avoir des amendes pour défaut d'équipement.
Les montres donnaient lieu à la rédaction d'un document, destiné aux trésoriers, pour que la solde puisse être élaborée. On payait les capitaines (ou leurs lieutenants). Ceux-ci avaient des clercs qui rétribuaient ensuite chaque homme en fonction de ce qui lui revenait. Une quittance était alors établie, signée par le capitaine ou son représentant.
Thomas de SCALES ayant été désigné comme l'un des chefs du siège, après la mort de Salisbury, touchait en plus des défraiements pour cette fonction :
- "A luy... pour soustenir et maintenir son estat, durant le temps qu'il seroit en ce que dit est au service du roy... par chascun moys, la somme de 200 livres tournois, oultre et pardessus ses gaiges et regars (*)... à commencer ledit paiement du jour qu'il party de la ville de Chartres pour aller en la compaignie de mesdits. audit service, à paier de moys en moys... Commençans le 26 novembre 1428 jusques au 25 décembre 1428, premier moys.
Quictance le 16 décembre 1428 pour 200 livres tournoys."
- "A luy... pour sondit estat du second moys de sondit service, finans le 25 janvier. Quictance le 18 janvier pour 200 livres tournoys."
(*) Il est toujours précisé des "regars" lorsqu'il s'agit d'hommes d'armes. Jamais lorsqu'il s'agit uniquement d'archers. On ne sait pas au juste ce que c'est.
La troupe de Thomas de SCALES était composée d'anglais venant d'Angleterre, d'anglais résidant en Normandie, et aussi d'hommes d'armes normands.
Beaucoup de seigneurs normands qui ne voulaient pas se soumettre aux occupants Anglais, avaient été dépossédés de leurs fiefs, qui avaient été donnés à des Anglais ou à des "faux-français", souvent pour une redevance ridicule et dérisoire, comme une épée, une hache d'armes, voire "un chapeau de violettes à la Saint-Jean."
Pontorson
De Pontorson, ce sont 20 hommes d'armes et 60 archers qui vont partir pour participer aux évènements du siège d'Orléans. La garnison de la forteresse était importante, pour fournir (et se démunir provisoirement, pour quelques mois) de tant de combattants. Avec les pages et les coutilliers, ce sont probablement 120 hommes qui composent ce détachement.
Sans doute quittèrent-ils Pontorson fin septembre 1428, rejoignant le reste de la troupe de Thomas de SCALES. Le 12 octobre 1428, Thomas de SCALES arrive sous Orléans avec SALISBURY. Il y revient le 1er décembre avec TALBOT (autre capitaine anglais très réputé qui mourra à plus de 80 ans, à la bataille de Castillon, les armes à la main) après avoir été nommé lieutenant du roi, et enfin, le 30 décembre, pour s'installer avec la plus grande partie de sa troupe à la bastille de Saint-Laurent, à l'ouest d'Orléans.
Après la levée du siège, le 7 mai 1429, les troupes anglo-normandes se replient le lendemain à Meung-sur-Loire et Beaugency.
Ces hommes participent à la bataille de Patay, le 18 juin suivant, et Thomas de SCALES y est fait prisonnier. On le retrouve à Rouen en septembre 1429 (voir plus loin une biographie succincte).
C'était un capitaine aguerri. Il était aux batailles de Cravant et de Verneuil. En 1424, il est capitaine de Domfront (en plus de Pontorson) avec 60 combattants. Il l'est encore en 1433.
Trois ans après, il commande à Vire. Il est Vidame de Chartres -ou du moins en porte le titre - et sénéchal de Normandie et 1443.
Sa "retenue" pour la garde de Pontorson était importante : 80 hommes d'armes et 240 archers. De là, il tire le détachement qui va aller à Orléans.
Suivont un peu la troupe de Thomas de SCALES :
- "Pour gaiges et regars de luy", chevalier banneret, 41 hommes d'armes à cheval et 99 archers. Pour un mois, du 27/12/1428 au 26/01/1429.
Montre devant Jehan POPHAM et Richart HANKFORD, chevaliers, commissaires généraux (montre probablement vers le 23/12 à Chartres ou à Meung).
Quittance au siège, le 18/01/1429, pour 1.145 livres 16 sols 8 deniers tournois.
- "Pour gaiges et regars de luy", 35 hommes d'armes et 83 archers à cheval, "pour service au siège d'Orliens", pour les 4 jours de janvier restant. Revue au siège, le 28/01/1429, devant Thomas GUERART, écuyer, et maître Raoul PARKER, secrétaire du roi, commissaires.
Quittance au siège, le 28/01/1429, pour 130 livres 6 sols 8 deniers tournois.
- "Pour gaiges et regars desdits 35 hommes d'armes et 83 archiers à cheval" (et là on précise : "dont 20 lances, lui compris, et 60 archiers de sa retenue de Pontorson." Service au siège pour le mois de février 1429 (au prix de 6 livres tournois par archer, nouvelle solde pour eux à compter de ce mois). Revue au siège le 04/02/1429 - Mêmes commissaires que ci-dessus.
Quittance, le 27/02/1429 pour 1.060 livres 10 sols tournois.
(avec, en particulier, pour ce qui concerne les hommes de Pontorson : "... auquel fut ordonné par mondit seigneur le Régent envoyer et tenir au siège devant Orliens le nombre de 20 hommes d'armes et 60 archiers à cheval... de la garnison dudit lieu de Pontorson.")
- "Gaiges et regars de luy", 19 autres hommes d'armes et 60 archers, pour service au siège de 33 jours, du 30/11/1428 au 28/12/1428, "que fine le premier quartier (d'an) à luy paié de ladicte garnison de Pontorson." Montre le 30/11/1428 à Chartres, devant Mess. les baillis de Caen et de "Coustentin" (Cotentin), commissaires.
Quittance (probablement le même jour) pour 709 livres 5 sols 6 deniers tournois.
"Et depuis le 28ème jour de décembre dessusdit, jusque au derrenier jour de février ensuivant inclus, a esté paié audit siège, pour luy et sesdictes gens, avec son aultre retenue de gens et endenture faicte pour servir audit siège, au compte à luy faict cy devant, dont il avoit faict monstre ensemble."
- "Pour semblable cause, gaiges et regars de luy", 19 hommes d'armes et 60 archers de ladicte garnison, pour service au siège du mois de mars 1429. (au prix de 6 livres tournois par archer). "Monstre (le 25 mars ?) pour icelluy moys en plus grant nombre de gens de sa retenue (la troupe entière) pour servir audit siège."
Quittance au siège, le 25/03/1429, pour 685 livres 16 sols 8 deniers tournois.
- "Pour semblable cause, gaiges et regars de luy et de sesdictes gens pour service du moys d'avril." Revue au siège, le 20/04/1429, devant Thomas GUERART, écuyer, et maître Raoul PARKER, secrétaire du roi, commissaires. A 6 livres tournois par archer.
Quittance au siège, le 20/04/1429, pour 685 livres 16 sols 8 deniers tournois.
(Bibl. Nat., MSS., vol. 25.768, n° 835)
La troupe de Thomas de SCALES resta donc au siège de novembre 1428 jusqu'à la délivrance de la cité, après la reprise de "la bastide du bout du pont" (les Tourelles) le 7 mai 1429. Le 8, ils se retirent à Meung-sur-Loire ou Beaugency avec le reste de l'armée anglo-normande. On sait qu'ils sont à Patay le 18 juin suivant, et probablement à la retraite sur Etampes.
Quand (et combien ?) sont-ils rentrés à Pontorson ? Ils étaient, en tous cas, donc bien stationnés au siège, sur place à Orléans, et non pas affectés aux escortes des convois de vivres et de munitions.
Garnison de Domfront :
Thomas de SCALES était aussi capitaine de cette ville (garnison environ 60 combattants).
En avril 1429, quelques hommes de la garnison de Domfront furent requis pour escortes les convois de ravitaillement, en direction d'Orléans, sous le commandement d'un lieutenant :
"Gaiges et regars de Thomas STRIEBY, homme d'armes, et 3 archiers, dudit lieu de Dompfront, pour service au conduict des vivres, de 15 jours à compter du 09/04/1429."
Montre à Paris, le 09/04/1429; commissaires : Symon MORHIER, prévôt de Paris, et Morelet de BETHENCOURT, chevalier du guet de cette ville.
Quittance "dudit Strieby", à Paris, le 11/04/1429, pour 14 livres 17 sols 11 deniers tournois.
Ces gens sont-ils restés sur Orléans jusqu'à la délivrance de la ville ? Sont-ils rentrés sur Domfront, ou ont-ils aussi partitipé à la bataille de Patay ?
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Bannière de Gilles de LAVAL, baron de RAIS
ou de RETZ, maréchal de France
(Peinture de J.Rivière-Lemaistre/Heimdal)
Au-dessous, son sceau, antérieur à 1429
(BNF, Ms. nouv.acq. fr.22019.37)
Gilles de LAVAL, baron de RAIS
Maréchal de France, tueur d'enfants et pédophile notoire
Personnage singulier, au destin hors du commun, c'est le moins que l'on puisse dire de ce grand seigneur, descendant des plus illustres et des plus puissantes familles de l'Ouest de la France, premier baron de Bretagne, maréchal de France à 24 ans (le 17 juillet 1429, veille du sacre de Charles VII à Reims).
Gilles de LAVAL, baron de RAIS, seigneur de deux douzaines de châtellenies situées dans le Maine, l'Anjou, la Vendée et le Poitou, était possesseur d'une immense fortune, un "milliardaire" de l'époque.
Compagnon de Jehanne d'ARC, dite la Pucelle d'Orléans, lors de son épopée, ce fut le bon côté de sa vie. L'autre face, la mauvaise, le fit surnommer "le Barbe Bleue français."
Son père, Guy de LAVAL, meurt en 1415; Gilles a alors 11 ans. Sa mère, Marie de CRAON, va vivre chez son beau-père, Jean de CRAON, grand'père de Gilles. Celui-ci, soudard et dépravé, va avoir une très mauvaise influence sur son petit-fils.
Pourtant, malin et assoiffé de pouvoir et de gains, il va arranger une union entre Gilles et Catherine de THOUARS, une toute jeune fille, rejeton d'une des plus riches familles de la région et dont les terres jouxtaient les siennes. Les parents de la fiancée sont très riches. Ils sont seigneurs de Savenay (au nord de Nantes), Pouzauges, Chabanais, Confolens (au sud de la Loire), Lombart, Chateaumorand, Grez sur Maine, Tiffauges.
Le seul problème est que Catherine est une cousine de Gilles. Il faut donc une dispense qui tarde à venir. Décidant de passer outre, le grand'père, Jean de CRAON, fait enlever la jeune fille par Gilles. Une cérémonie secrète eut lieu dans une église de la région le 30 novembre 1420. Gilles a 16 ans.
Durant un an et demi, les époux vivent à Champtocé. Ils font fi des sommations d'usage que leur adresse à plusieurs reprises l'évêque d'Angers, Hardouin de BUEIL (ou VUEIL), frère du capitaine Jean de BUEIL, qui sera lui aussi plus tard l'un des compagnons de la Pucelle.
Jean de CRAON se décide à envoyer un émissaire au Pape Martin V, avec une bonne somme en écus d'or destinée à aplanir le problème de ce mariage consanguin réprouvé par l'Eglise. Le Pape se laisse faiblir et propose une solution alternative.
Le couple devra être séparé symboliquement, puis ils seront à nouveau mariés. Le secrétaire du Saint-Siège, Jourdain, évêque d'Albano, envoie la dispense à l'Archevêché d'Angers et la cérémonie officielle du mariage de Gilles et Catherine a lieu le 26 juin 1422, en l'église de Saint-Mauville de Chalonnes, dépendant de l'Archevêché d'Angers.
Le couple n'eut qu'un seul enfant : Marie de RAIS. A sa naissance, le 8 septembre 1429, Gilles combattait aux côtés de la Pucelle sous les murs de Paris.
Gilles, vassal à la fois du roi de France (dont il a été nommé chef de guerre grâce à son cousin Georges de la TREMOILLES, ministre de Charles VII et personnage adipeux et sans scrupules), mais aussi vassal du duc de Bretagne, Jean V, était forcément réquisitionné pour reconquérir le royaume.
En juillet 1429, il en fut récompensé en accédant à la dignité de Maréchal de France. C'est lui aussi, avec l'amiral de CULAN(T), le maréchal de BOUSSAC et Jehan MALET de GRAVILLE, grand maître des arbalétiers, qui a escorté, depuis le monastère de Saint-Rémy, jusqu'à la cathédrale de Reims, l'abbé Jehan CANARD, chargé de porter la Sainte-Ampoule destinée au sacre du roi Charles VII.
Gilles s'était distingué au siège et à la délivrance d'Orléans, assiégée depuis octobre 1428 par les troupes anglo-normandes, en compagnie de Jehanne la Pucelle. Des renforts anglais ayant été signalés, une troupe formée en grande partie par des soldats de Gilles permit de couper la route aux envahisseurs. Ceci entraîna, le 4 mai 1429, la prise de la bastille Saint-Loup, près d'Orléans, l'une des clés de la défense du dispositif anglais. Le futur maréchal interviendra encore dans la bataille des Augustins, dans les faubourgs d'Orléans, où les anglais furent massacrés jusqu'au dernier. A Beaugency aussi, on retrouve Gilles, cité par Enguerrand de MONSTRELET, comme "l'un des conducteurs de la bataille." D'autres combats aussi....
Mais malgré tout, on peut dire quand même que sa participation fut assez mince à l'extraordinaire chevauchée de la Pucelle. Il est un pion sur l'échiquier militaire et politique. Il ne fait qu'obéir, et comme tous les barons fidèles au roi, il se place sous l'autorité de Jehanne.
Comme ses pairs, il est fasciné par elle. En décembre 1430, il le prouve en se portant à Louviers, avec quelques hommes aguerris, pour monter une opération destinée à faire évader Jehanne du donjon de Rouen où elle était enfermée. La tentative échoua.
Sa fidélité à Jehanne ne se démentit jamais. On en a la preuve également dans la théorie de M. Pierre de SERMOISE ("Missions secrètes de Jehanne la Pucelle" - Les ombres de l'histoire - R. Laffont, 1970).
Une autre mission secrète aurait été confiée à Jehanne : il n'était plus possible de développer des conquêtes vers l'Est, à cause de la puissance des Turcs. Il fallait donc se tourner vers l'Ouest, vers ce qu'on appellera "les Amériques", dont on avait connaissance par des documents templiers, le mouvement celtique, et par les dires des marins bretons et normands. Et puis, une fois le royaume reconquis, il fallait occuper routiers et soldats qui saccageaient les campagnes. Le plan échoua, sans doute à cause du désintéressement et de l'avarice du roi.
Le maréchal, presque ruiné en 1436, entrevoit de refaire rapidement sa fortune, en conduisant des troupes sur des terres nouvelles à conquérir, dont les rumeurs disaient qu'elles regorgeaient d'argent et d'or.
Jehanne, quittant Metz en décembre 1436 (donc bien après son pseudo supplice) se rendit à Tiffauges, chez Gilles de RAIS, qui consentit à contribuer au financement du projet. L'entreprise capota et les Espagnols reprendront le programme 50 ans plus tard, en le confiant à Christophe COLOMB.
Gilles, alors financièrement aux abois, se verra contraint d'essayer la fabrication de l'or au moyen de l'alchimie, en recrutant, fin 1438, Francisco PRELATI, qui l'entraînera dans une accumulation de crimes abominables et démentiels.
Jehanne, contrainte de se réduire au sol de France, n'a plus qu'une solution : anéantir les grandes compagnies qui se sont reconstituées, faute d'emploi, pour écumer les territoires au sud de la Loire, mettant les villes et villages à feu et à sang. Jehanne les pourchasse, attaquant au passage des positions anglaises restant dans quelques places de Guyenne. Gilles fournit l'argent.
En mars 1436, 400 hommes descendent de La Rochelle. Assauts et combats à Blaye, Bordeaux, Bayonne. La Pucelle mène sa guerre, aidée entre autres de Saintrailles. Ceci dura environ jusqu'au milieu de 1439 où Jehanne, blessée de nouveau, confir par l'intermédiaire de son commanditaire Gilles de RAIS, le commandement de ses troupes à un certain Jehan de SIQUENVILLE, comme en témoigne un document daté du 29 juin 1441, signé du roi :
"Charles, par la grâce de Dieu Roy de France, savoir faisons à tous présens et advenir, nous avoir reçu l'humble supplication de Jehan de SIQUENVILLE, escuier du païs de Gascoègne, contenant que, deux ans ou environ (donc en juin 1439), feu sire de RAITZ, en son vivant notre conseiller, chambellan et maréchal de France (entre temps, Gilles avait été exécuté) sous lequel ledit suppliant estoit, dict à iceluy suppliant qu'il vouloit aller au Mans et qu'il vouloit qu'il prit la charge et le gouvernement des gens de guerre qu'avoit alors une appelée Jehanne qui se disoit Pucelle, en promettant que, s'il prenoit le dit Mans, il en seroit cappitaine. Lequel suppliant, pour obéir au dict feu sire de RAITZ, son maître... lui accorda en prit la charge un certain temps entour les pays de Poitou et d'Anjou..."
(Trésor des Chartes - Arch. Nat. - J176)
Jehanne était donc toujours aux côtés de Gilles en 1439 et accompagnait le maréchal à travers le Poitou. Pendant que Jehanne se remet de cette nouvelle blessure, Gilles confie donc le commandement à l'un de ses hommes et lui ordonne de prendre Le Mans. Mais la ville ne fut délivrée qu'en 1448.
Par quoi étaient donc liés ces deux personnages si dissemblables ?
Par quoi était motivée le dévouement presque sans faille du maréchal, le monstre, pour cette Pucelle, la future sainte ?
Au passage, ce document étaye la thèse de M. Pierre de SERMOISE quant à la survivance de Jehanne à son supplice de Rouen et à la reprise de ses campagnes guerrières.
Ce serait extraordinaire si la Pucelle, comme il le soutient, aurait continué à vivre après son martyre officiel, et se serait mariée à l'un de ses ascendants, pour des raisons financières, puisqu'on le sait, elle n'était pas intéressée par la vie de famille et ne pouvait pas avoir d'enfant, suite à une malformation et à son état gynandroïde.
Mais revenons à l'histoire officielle et au maréchal de RAIS.
Charles VII remboursa Gilles d'une partie de ses "frais de guerre" et lui fit octroyer par Guillaume CHARRIER, receveur général des finances, une somme de 1.000 livres :
"A messire Gilles de Rais, conseiller et chambellan du Roy nostre sire et maréchal de France, la somme de 1.000 livres que le Roy nostre dit seigneur, par ses lettres patentes données le 21 juin 1429, lui a ordonné être baillée, pour le recompenser des grands frais, mises et despenses que faire lui a convenu, afin d'avoir naguère mis en place et assemblé par l'ordonnance du Roy, certaine grosse compagnie de gens d'armes et de traicts (archers), et les avoir entretenus pour les employer à son service en la compagnie de Jehanne la Pucelle, afin de remettre en l'obéissance dudit seigneur la ville de Jargeau que tenoient les Anglois."
Il reçut aussi d'autres sommes :
Charles VII avait fait une "fournée" de récompenses pécuniaires (ou du moins des soldes), aux "seigneurs, capitaines et chefs de guerre... pour leur aider à supporter les grandes dépenses qu'il leur a convenu faire à l'encontre des anglais à l'avitaillement de la ville d'Orléans, devant laquelle les ennemis avaient longtemps tenu le siège... en la recouvrance des villes et forteresses de Janville, de Jargeau, de Meung, de Beaugency, occupées par lesdits ennemis... comme au voyage et assemblée par iceluy seigneur faite à Reims pour le fait de son sacre et couronnement."
Peu de chose sans doute pour ce grand seigneur, immensément riche (encore !). Encore un tout jeune homme, il est de taille moyenne, mais d'allure fort altière avec un visage impénétrable. Il était aussi mécène, raffiné et élégant.
Il avait une préférence pour les vêtements aux teintes pourpres, qu'il porta même sous l'armure à Orléans et Patay, devant Paris aussi, au moment où la Pucelle venait d'être blessée non loin de lui par un carreau d'arbalète. Il ne se départit même pas de cette élégance à l'audience solennelle de son procès, le 8 octobre 1440 :
"Sur le front saillent en pointe les bords en retroussis, rehaussés d'hermine, d'un chapeau en feutre gris. Une houppelande de même couleur laisse apparaître, au col et aux emmanchures largement échancrées depuis les épaules, la doublure d'hermine, signe distinctif des grands feudataires. Les jambes sont moulées dans des hauts de chausse assortis à la houppelande et au chaperon. Aux pieds, de souples bottes à rabats et à la poulaine comme la mode l'impose encore en ce milieu du XVème siècle. Un poignard, sur le manche ciselé duquel l'homme pose négligemment sa main gantée, pend sur la cuisse dans une gaine de velours."
Mais nous n'en sommes pas encore au procès qui le perdra. Rentré sans ses terres, après que le Roy ait recouvré son royaume, Gilles revient à Orléans et y séjourne en 1434 et 1435.
Il était venu financer et organiser le "Mystère du siège d'Orléans", écrit par un Orléanais (manuscrit à l'heure actuelle déposé à la Bibliothèque Vaticane), et dans lequel il était aussi acteur.
Cette énorme composition sociale, militaire et religieuse était composée de 20.000 vers et jouée par 500 acteurs.
Le spectacle était représenté, plusieurs fois par semaine, près des quais, au bord de Loire, non loin du pont et des bastilles où s'étaient déroulées toutes les péripéties qui avaient abouti à la défaite des anglais, et à leur retrait qui précéda la délivrance de la ville où Jehanne et les chefs de guerre entrèrent en toute gloire, le dimanche 8 mai 1429, devant la foule en liesse.
Voici un passage où Gilles de RAIS, qui tient son propre rôle, accompagné d'Ambroise de LORé, autre compagnon, conduit la Pucelle jusqu'à Blois et Orléans. Il a été déterminé à suivre les inspirations de Jehanne par Charles VII, qui déclare à la jeune fille :
"et pour conduire vos gens
vous aurez le Maréchal de Rais
et un gentilhomme vaillant
nommé Ambroise de Loré.
Je leur commande exprès
qu'ils vous conduisent où il vous plaira
en n'importe quel lieu, soit près ou éloigné."
La Pucelle remercie le Roi et le recommande à Dieu :
"Roy soyez toujours humble et doux
envers Dieu. Il vous gardera."
Gilles, aussitôt, parle à Jehanne :
"Dame, que vous plaît-il de faire ?
nous sommes près de Blois
si vous voulez vous y arrêter
et vous reposer deux jours ou trois
pour savoir où sont les Anglois
et aussi pour rafraîchir vos gens
ou si vous aimez mieux passer outre
et aller jusqu'à Orléans ?"
Gilles, trois strophes plus loin :
"Madame, tout incontinent
nous accomplirons votre volonté
nous ferons assembler nos gens
et présentement partirons
droit à Orléans, où nous vous mènerons
Dame Jehanne, sans plus attendre."
Plus loin, les capitaines qui encadrent l'armée de la Pucelle discutent. Gilles intervient, y met ordre et décide, après avoir présenté son plan :
"Mieux vaut faire notre besogne
et ainsi éviter le danger
entrer par la porte de Bourgogne
et nous irons passer à Chécy."
Pour un peu, Gilles commande les opérations, sous l'oeil attendrit de la Pucelle. Il a ce qu'on appelle "le beau rôle".
Mais c'est un rôle qui coûte cher. En 1434 et 1435, à Orléans, où il s'occupait de son "Mystère", il soignait son image de noble et grand seigneur, devant les Orléanais ébaudis par tant de prodigalités.
Il dirigeait les mises en scène, veillait à l'habillement des acteurs, dont les vêtements étaient taillés dans les tissus les plus fins, chaque costume ne devant être porté qu'une seule fois !
Il demeurait dans la ville, avec sa collégiale et sa cour, invitant la municipalité à de fastueux banquets, donnant fête sur fête, baillant des aumônes aux pauvres, faisant des dons aux oeuvres et des cadeaux de prix aux notables.
Tout le monde, on s'en doute, louait le maréchal. On le regretta lorsqu'il prit la route de Blois pour partir. Cela lui aura coûté 90.000 écus d'or, soit à peu près un milliard d'anciens francs ! (1999)
A ce train là, sa famille s'émut. Elle fit le compte de ce que Gilles avait dépensé depuis six années. Elle s'aperçut avec stupeur qu'il avait englouti tous ses revenus et qu'il commençait à "manger" son capital. La ruine le menaçait.
Déjà les créanciers le harcelaient. Pour s'en libérer, Gilles vendait des meubles, de la vaisselle d'argent, engageait des vases d'or ou des manuscrits précieux. Il lui fallait des sacs d'écus pour pouvoir y faire face... et continuer de tuer ! Car il tuait beaucoup ou faisait tuer.
C'est sa deuxième personnalité : celle d'un monstre.
Si sa jeune épouse, Catherine de THOUARS, son frère René de La SUZE et le cousin André LAVAL-LOHEAC ne connaissaient pas encore ses crimes, ou ne voulaient prêter foi aux sinistres rumeurs, en revanche ils étaient atterrés par les folies de Gilles.
René et André se montraient logiques : tout ce que dilapidait le maréchal diminuait d'autant l'héritage. A ces raisons d'intérêts familiaux et très féodales, se greffaient des problèmes d'ordre politique et militaire : la famille RAIS-LAVAL était du parti français. La vente de terres et forteresses situées aux endroits stratégiques, séparant la France de la Bretagne, devenait dangereuse. Achetées par le duc de Bretagne Jean V, au gré des avatars de la politique, elles pouvaient servir les intérêts anglais si ceux-ci pressaient les bretons. Il fallait que non seulement ces châteaux et leurs dépendances restassent dans la famille, mais aussi, par voie de suzeraineté, au royaume de France.
René et André se réunirent, le connétable Arthur de RICHEMONT, breton du parti français, était même présent. C'est dire l'importance de l'enjeu. Il décidèrent d'en appeler au roi afin que celui-ci empêchât le baron de Rais de vendre ses biens. Par lettres d'interdit royal, datées d'Amboise, le 2 juillet 1435, Charles VII leur donnait gain de cause. L'interdiction fut communiquée au son des trompes dans tous les pays et villes où Gilles avait coutume de séjourner : à Tiffauges, à Machecoul, à Pouzauges, à Champtocé, à Angers, à Tours et à Orléans.
Ce grand seigneur, à l'écusson orné aussi de fleurs de lys, maréchal de France et compagnon de Jehanne la Pucelle, courait à sa perte. Malgré sa haute position, son procès, sa condamnation et son exécution étaient en route. Il était accusé de meurtres, sorcellerie, hérésie et sodomie !
On peut encore visiter quelques restes d'un de ses châteaux, à Tiffauges, en Vendée, où il résida, et y voir des salles où se déroulèrent des choses horribles. Des centaines d'enfants et de jeunes disparurent dans la région pour satisfaire les plus bas instincts de Gilles, qui se livrait sur eux au viol, à la sodomie, avant de les tuer de la manière la plus sauvage qui soit. Adepte de sorcellerie et de messes noires, il fut exécuté à Nantes, en place publique, sur l'île de Biesse, en amont des ponts de Nantes, et condamné à être brûlé vif le matin du 26 octobre 1440, à 11 heures, en se repentant, après un procès retentissant.
Le maréchal était responsable d'au moins 800 meurtres, particulièrement des enfants ou jeunes garçons !
Mais cet homme était littéralement subjugué par Jehanne et il a dit lui-même qu'il ne pourrait jamais l'oublier. Il fallait sans nul doute que Jehanne fut quelqu'un d'extraordinaire pour marquer autant pareil personnage ! Mais ses crimes étaient trop atroces et la sanction qui s'ensuivit peut paraître "douce" par rapport à ces exactions plus que criminelles.
Le samedi 22 octobre 1440, l'accusé répéta "en jugement", devant le tribunal réuni, sa confession de la vérité, "librement, avec une grande contrition de coeur et une grande amertume, ainsi qu'il apparaissait à première vue, et avec une grande effusion de larmes."
"J'ai commis et perpétré - ajouta-t-il - d'autres grands et énormes crimes, iniquement, depuis le commencement de ma jeunesse, contre Dieu et ses commandements et j'ai offensé notre Sauveur du fait du mauvais gouvernement que j'ai eu dans mon enfance, où, sans frein, je m'était appliqué à tout ce qui me plaisait, et je me suis complu à tous les actes illicites. Je prie ceux des assistants qui ont des enfants, de les instruire dans les bonnes doctrines et de leur donner l'habitude de la vertu pendant leur jeunesse et leur enfance."
Il donne alors des détails. Ils sont atroces; ils ne s'inventent pas :
"J'émettais la semence spermatique de la façon la plus coupable sur le ventre des enfants tant avait qu'après leur mort, et aussi durant leur mort; quelquefois moi-même et parfois d'autres de mes complices, notamment Gilles de Sillé, messire Rober de Briqueville, chevalier, Henriet de Poitou, Rossignol et Petit-Robin, infligions à ces enfants divers genres et manières de tourments, tantôt nous séparions la tête du corps avec des dagues, des poignards et des couteaux, tantôt nous les frappions violemment sur la tête avec un bâton ou avec d'autres objets contondants, tantôt nous les suspendions dans ma chambre par une perche ou par un crochet avec des cordes et nous les étranglions; et quand ils languissaient, je commettais avec eux le vice sodomite de la façon que j'ai décrite."
"Quand ces enfants étaient morts, je les embrassais et ceux qui avaient de belles têtes et les plus beaux membres, je les donnais à contempler et je faisais curellement ouvrir leur corps et je me délectais de la vue de leurs organes intérieurs; et très souvent, quand ces enfants mouraient, je m'asseyais sur leur ventre et je prenais plaisir à les voir ainsi mourir et j'en riais avec Corrillaut dit Poitou et Henriet, après quoi je faisais brûler et convertir leurs cadavres en poussière par ces derniers."
La confession est longue, très longue. Effroyable, insoutenable, irrécusable. Pareils aveux ne peuvent être inventés. Quelle folle imagination faudrait-il posséder ! Le maréchal confesse ses crimes en leurs moindres détails. Dans un geste qui apparaît théâtral aujourd'hui, Jean de MALESTROIT voilera le crucifix pendu au mur.
Le maréchal a donc tout avoué. Il s'est repenti.
Il dira, quand on lui annonce son supplice :
"Puisque je suis la cause des maléfices où j'ai entraîné mes serviteurs, je prie le tribunal de m'accorder la faveur de mourir avant eux. Je les exhorterai de la sorte à bien mourir, je leur montrerai l'exemple, leur évitant de choir en désespérance et de penser qu'eux suppliciés, je pourrais demeurer impuni. Dieu aidant, moi qui fus celui de leur perte, je deviendrais ainsi l'instrument de leur salvation en la Jérusalem céleste."
Le président déclare :
Le président fit droit à sa demande.
A l'aube du 26 octobre 1440, le maréchal se confesse au frère Jehan JUVENAL et communie. Devant le bûcher, le maréchal se tourne vers ses deux serviteurs et leur dit à haute voix :
"Je vous demande d'être forts et vertueux devant les tentations diaboliques et d'avoir un grand regret et une grande contrition de vos méfaits, mais aussi d'avoir confiance en la miséricorde de Dieu et de croire qu'il n'est si grand péché qu'un homme pût commettre, que Dieu ne pardonne dans sa bonté et sa bénignité, à condition que le pêcheur ait eu en son coeur un grand regret et une grande contrition et lui eut demandé merci avec beaucoup de persévérance."
Gilles de RAIS mourut dans ce repentir. "Et - rapporte Jehan de TOUSCHERONDE - avant que le feu n'eût ouvert son corps et ses entrailles, il en fut tiré (du bûcher) et le corps fut placé dans un cercueil et porté dans l'église des Carmes de Nantes, où il fut enseveli. Et aussitôt Henriet de Poitou furent pendus et brûlés, de telle sorte qu'ils furent réduits en poudre. Et ils eurent beaucoup de contrition et de regret de leurs méfaits, et dans cette contrition et ce regret, ils persévérèrent jusqu'à la fin."
Par ménagement pour sa puissante famille - dire plus tard Michelet - et pour la noblesse en général, on étrangla le maréchal avant que la flamme l'ait touché. Ce privilège était aussi sûrement dû à son repentir. La dépouille du maréchal de Rais reposera durant 350 ans en l'église Notre-Dame du Carmel de Nantes, auprès d'autres grands seigneurs de Bretagne. A la Révolution, leurs cendres furent jetées au vent et l'église détruite.
Que devint sa famille ?
Il s'occupa peu de sa fille et de son épouse, Catherine de THOUARS. Savait-elle ? Elle récupéra toute sa dot, y compris le château de Tiffauges aux salles maudites. Elle épousera en secondes noces Jehan II de Vendôme, vidame de Chartres et seigneur de Lassay qui devint en 1441 chambellan du duc de Bretagne Jean V. Elle mourut en 1462, sans descendance de cette seconde union.
Sa fille, Marie, avait 10 ans à la mort de son père. Un mariage fut conclu, mais non célébré, en 1442, avec un homme de guerre, intelligent mais cupide : l'amiral Prégent de COËTIVY, qui renonça à porter les armoiries de Rais et ne voulut pas s'engager dans un procès de réhabilitation, la cause étant jugée indéfendable. En 1444, l'amiral épouse officiellement Marie : elle avait 14 ans. Il devint en droit et en titre possesseur de Champtocé, mais pas pour longtemps, un boulet le tuant net au siège de Cherbourg détenu encore par les anglais.
Marie de RAIS se remaria avec un autre breton, André LAVAL-LOHEAC, maréchal et amiral de France, ami de René de la SUZE, frère de Gilles de RAIS. Marie, jeune femme mélancolique, apporta son concours à de nombreuses fondations charitables en apportant des dons. Elle mourut à 27 ans sans laisser d'enfants, le 1er novembre 1457, et fut inhumée dans le choeur de Notre-Dame de Vitré.
Le frère du "Barbe Bleue" français, René de la SUZE, devint le nouveau baron de Rais. Il eut une fille, Jehanne, qui eut un héritier : André de CHAUVIGNY, qui mourut en 1520 sans laisser d'enfants.
Gilles de SILLé et Roger de BRIQUEVILLE, complices de Gilles, s'étaient enfuis avant l'arrestation du maréchal. On ne sait ce que devint Gilles de SILLé. BRIQUEVILLE, parent du maréchal, fut hébergé plus tard par Prégent de COËTIVY, et Marie s'occupa même de ses trois filles. L'amiral lui fit obtenir des lettres de grâce en 1446. Le roi l'acquitta et lui pardonna.
François PRéLATI fut condamné à la prison à vie. Il s'évada de sa geôle et trouva refuge chez René d'ANJOU, "le bon roi René" où il devint "souffleur", c'est-à-dire, dans le langage populaire, celui qui se livre à des recherches alchimiques, et le "bon roi" le récompensa en le nommant capitaine du château de la Roche-sur-Yon, où il fit venir le prêtre défroqué Etienne BLANCHET.
Se croyant fort, Prélati fit arrêter Geoffroy le Ferron, trésorier de Bretagne, frère du Jehan que Gilles de RAIS avait molesté à Saint-Etienne-de-Mer-Morte, qui, muni d'un sauf-conduit, traversait son domaine. Il fit une autre faute de taille, en dérobant le sceau du trésorier de Bretagne, ce qui lui permettait de faire des faux et de compromettre ainsi, à son gré, de grands personnages.
C'en était trop ! Geoffroy le Ferron fit arrêter le Florentin sans que réagisse le "bon roi René". Prélati fut jugé en 1445 et pendu.
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Accusés, complices et témoins des crimes, des invocations
de démons, magie, alchimie et autres
Tous familiers et commensaux de Gilles de RAIS.
Et :
Les dates importantes :
. 20/07/1440 : le maréchal déclaré d'infâmie.
. 15/09/1440 : arrestation par le capitaine Jehan LABBé.
. 19/09/1440 : Gilles de RAIS comparaît devant Jehan de MALESTROIT.
. 26/10/1440 : exécution de Gilles de RAIS.
TRIBUNAL, OFFICIANTS ET DIVERS
Témoins
LISTE SUCCINCTE DES VICTIMES (plus de 800...!)
.... et bien d'autres encore !!
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Sources :
. "Gilles de Rais ou la fin d'un monde", Michel Hérubel, Ed. Jean Picollec, Paris, 01/1993.
. "Jeanne d'Arc", Lucien Fabre, Ed. Tallandier, 06/1978.
. Copies de différentes pièces concernant Jeanne d'Arc, 1819, MS 515, Médiathèque Orléans.
. "Frais du siège d'Orléans - 1428-1429", extraits du compte de Me. Hémon Raguier, trésorier des guerres de Charles VII.
. Extraits du procès de Gilles de Rais.
. "Missions secrètes de Jehanne la Pucelle", Pierre de Sermoise, Ed. Laffont, 1970.
. Recherches BMS Strasbourg - Médiathèque Orléans - Centre Jeanne d'Arc à Orléans.
. Travaux personnels.
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Sceau de Richart de GRAY, daté de 1428
(seigneur de Grès ou Grez pour les Français)
Il était neveu de Salisbury et capitaine de Janville
On reconnaît ses armes sur ce sceau cassé
(BNF, Ms. P.O. 1407.3179.4)
Richart GREY, seigneur anglais, capitaine de Janville en 1428-1429
et sa participation aux évènements du siège d'Orléans
Janville en Beauce, plaque-tournante du dispositif anglo-normand
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Le comte de SALISBURY, venant d'Angleterre, entrait en campagne.
Salisbury commença par mettre en l'obéissance du roi d'Angleterre "aucunes meschantes places que tenoient ses adversaires."
Il explore d'abord le terrain entre Dreux et Chartres. La première ville prise, d'après tous les historiens, est Nogent-le-Roi, suivie bientôt de Rambouillet, Brethencourt, Rochefort, Châteauneuf-en-Thimerais et Courville.
Chartres, depuis longtemps anglais, avait augmenté sa garnison depuis le mois de février 1428, et réparé ses fortifications. SALISBURY reçut dans cette ville un brillant accueil, et y employa quelques jours à concentrer et à reposer ses troupes.
De Chartres, il se rend à Janville. Frontière du pays Chartrain, cette petite ville était l'une des châtellenies royales de l'Orléanais.
A ce titre, elle avait son capitaine permanent et une petite garnison dans son château et sa grosse tour qui avait jadis servi de prison d'Etat. Elle était entourée d'une double enceinte, de profonds fossés et de murailles flanquées de tourelles et percées de quatre portes.
A distance rapprochée se trouvaient Le Puiset, Toury, lieux défendables, et de petites paroisses qui avaient fortifié les châteaux et les tours des églises : Trancrainville, Oinville, Saint-Liphard, Tillay-le-Péneux, Santilly-le-Moutier, Tivernon, Bazoches-les-Gallerandes et, dans un rayon plus éloigné : Patay, Terminiers, Sougy, Poupry, Artenay.
SALISBURY donne d'abord l'assaut au Puiset, et fait pendre tous les soldats qui s'y trouvent. Toury, d'où Giraud de La PALLIERE s'enfuit, malgré sa bravoure habituelle, se rend, mais est néanmoins incendiée.
Puis le gros de l'armée entoure Janville qui fait plus de défense et se laisse bombarder. Prégent de COËTIVY s'y était jeté avec sa compagnie pour organiser la résistance, en vain. SALISBURY lui-même, dans sa fameuse lettre écrite au Maire et aux Aldermen de Londres, et datée de Janville le 5 septembre 1428, rapporte qu'il s'approcha plusieurs fois de la ville, et que le dimanche précédent, "il y a huit jours", il s'empara de Janville par le plus fort assaut qu'il vit jamais.
Huit jours avant le 5 septembre, c'est le 29 août. Ces deux dates sont citées exactement par la "Chronique de la Pucelle."
Une quittance de Lancelot de LISLE, donnée le 28 août, "au siège devant Yenville", indique que les anglo-normands n'en étaient pas encore maîtres ce jour-là.
Les défenseurs s'étaient retirés dans la tour, avant de se rendre à discrétion. Là sont pris, entre autres, Prégent de COËTIVY, le Gallois de VILLIERS, Gilles des ORMES, seigneur de Saint-Germain-en-Chartrain et Simon DAVY, seigneur de Saint-Péravy-Epreux qui fut enfermé à la bastille de Saint-Antoine à Paris.
SALISBURY mit la ville à rançon, comme prise d'assaut, et chacun dut contribuer au rachat pour une somme importante. Il eut, de sa tierce, 13 livres 6 sols et 8 deniers tournois pour sa part sur 9 prisonniers. Le pillage et l'incendie se mirent de la partie ; les papiers du receveur et du contrôleur du grenier à sel furent dispersés ou brûlée.
Janville devint, pour un temps, le siège de l'armée anglo-normande en campagne, le lieu de concentration et d'approvisionnement. Du 20 au 28 août, 191 hommes d'armes et 545 hommes de trait y font leur revue, et quelques autres les jours suivants.
De Mantes, le trésorier demanda à SALISBURY une escorte pour venir payer ses gens d'armes. Eustace GAUDINet ses gens vinrent au-devant de lui. Au même moment, un voiturier de Rouen, Martin FOULON, apportait "sur trois chevaulx à bast" (sorte de coffre) une partie des 8.000 livres que Pierre SURREAUdestinait à la solde de la moitié de l'armée anglo-normande assemblée à Janville.
On peut se livrer ici à un calcul approximatif, mais sans doute néanmoins assez proche de la réalité.
On trouve pas mal de quittances pour "le groupe de base" de l'armée anglo-normande, qui est de un homme d'armes (chevalier ou écuyer) et 3 archers, soit 4 hommes.
Leur solde était, pour le groupe, de 29 livres 15 sols 10 deniers tournois, que nous arrondissons à 30 livres. 267 de ces groupes font donc 8.010 livres (267 fois 30 livres).
Donc : 267 hommes d'armes + 801 archers (3 fois plus) font 1.068 hommes. Si cela représente la moitié de l'armée, c'est donc plus de 2.100 hommes environ qui se tenaient alors regroupés à Janville.
Le neveu de SALISBURY, lord Richart GREY, fut un peu plus tard nommé capitaine de Janville, avec 7 hommes d'armes à cheval, 8 hommes d'armes à pied et 43 archers, troupe qui restera quasi identique depuis sa prise de fonction, le 27 décembre 1428, jusqu'au 3 mai 1429, jour de sa mort au siège devant Orléans.
De Janville sont lancées dans plusieurs directions, des colonnes volantes. L'une d'elle, par Artenay, Poupry, Terminiers et Patay, alla soumettre plusieurs petites places entre cette dernière ville et Châteaudun, Sougy, Saint-Sigismond, Porcheresse, Machelainville et la Rainville, pour aboutir à Marchenoir, où Mondot de LANSAC et SNYLINGTON font revue de leurs 30 hommes d'armes et 87 archers.
Une autre colonne, conduite par Richard HANKFORD, alla chevaucher, vers le 15 septembre, devant la ville et le château de Meung, qui se rendirent à l'obéissance du roi d'Angleterre. De Meung, les anglais se rendirent à Montpipeau, où ils entretiennent une garnison pendant la durée du siège (hommes de Richard WALLER, voir l'acticle sur ce site).
Plus tard, ils entrent à Beaugency, dont la garnison se retire au château et aux fortifications du pont, pour se rendre le 25 septembre 1428.
SALISBURY eut encore là, pour sa tierce, le profit du rachat de 5 prisonniers et 11 livres 2 sols 2 deniers tournois pour le prix de la vente du froment et de l'avoine trouvés au château de Beaugency, à l'instant de la reddition.
En amont de la Loire, les villes de Jargeau, Sully et Châteauneuf-sur-Loire étaient soumises. L'étau se refermait, et le siège de la ville d'Orléans pouvait commencer.
Richart GREY
(aussi : lord Richart GRAY, GRèS)
Chevalier - Seigneur de Gray - Neveu de SALISBURY le chef de l'armée anglaise.
Capitaine des ville, tour et forteresse d'Yenville (Janville, en Beauce)
Tué au siège d'Orléans le 3 mai 1429.
- Endenture (contrat d'engagement) avec le Régent anglais BEDFORD, le 20 janvier 1429, pour la durée du siège d'Orléans, "pour sauvegarde d'Yenville".
A payer de mois en mois, au début de chaque mois, aux "gaiges" (gages, paie) de :
pour 7 hommes d'armes à cheval, lui non compris, 8 hommes d'armes à pied et 45 archers.
(nb : les soldes étaient exprimées en monnaie anglaise, mais les hommes étaient payés en monnaie française tournois.)
Pour le premier mois, du 27/12/1428 au 26/01/1429. Montre (revue militaire de contrôle) devant Jehan POPHAM et Jehan HANNEFORD, chevaliers, commissaires. Quittance à Chartres, le 21/01/1429, pour 381 livres 17 sols 6 deniers tournois.
Cette troupe de 60 combattants forma la garnison anglaise de Janville, pendant la durée du siège d'Orléans, jusqu'à ce que cette ville ne fut reprise par les troupes françaises.
- Richart GREY avait reçu une autre endenture, le 22/12/1428, "pour servir au siège d'Orliens", pour une troupe identique, prévue pour 20 hommes d'armes à cheval, lui compris, et 40 archers.
"Gaiges de luy", 14 hommes d'armes et 46 archers à cheval. Pour un mois, du 21/12/1428 au 20/01/1429. Montre le 27/12/1428 devant Jehan POPHAM et Jehan "HANFORD", commissaires. Quittance, le 30/12/1428, pour 461 livres 16 sols 6 deniers tournois.
"Gaiges de luy", 15 hommes d'armes et 40 archers à cheval, pour service de 10 jours, du 20/01 au 31/01/1429. Montre le 28/01/1429 devant Philebert de "MOLANS" (MOLLENS), écuyer, et maître Raoul PARKER, secrétaire du roi, commissaires. Quittance, le 25/01/1429, pour 148 livres 17 sols 9 deniers tournois.
"Et du surplus de sondit service audit siège, a ou doit avoir esté paié par Andry d'ESPARNON, trésorier des guerres en France, à ce ordonné, pour 610 livres 15 sols 3 deniers tournois."
Donc :
- Troupe A - Affectée à la garde de Janville :
Du 27/12/1428 au 26/01/1429, pour le premier mois, 7 hommes d'armes à cheval, 8 à pied et 45 archers, soit 60 combattants. Il semble que cette troupe, en garnison à Janville, reste avec un effectif constant.
Richart GREY avait dû laisser à l'un de ses lieutenants le commandement de cette troupe. Il commandait lui-même le reste de ses hommes, au siège d'Orléans.
- Troupe B - Au siège d'Orléans :
Le nombre d'hommes a dû varier un peu au fil du temps. Sans doute des soldats furent-ils blessés ou tués, ou affectés provisoirement aux escortes des convois de vivres, auxquelles presque chaque troupe participait.
. lui + 14 hommes d'armes + 46 archers, du 21/12/1428 au 20/01/1429 = 61 combattants,
. lui + 15 hommes d'armes + 40 archers, pour les 10 jours jusqu'à fin janvier 1429 = 56 combattants.
Ces hommes stationnèrent au siège d'Orléans, jusqu'à la prise d'assaut du fort des Tourelles, le 7 mai 1429, et la retraite des anglais, le 8 mai, sur Meung et Beaugency.
Le chef était mort entre temps, tué au siège.
La troupe fut certainement commandée alors par un autre lieutenant, ou bien incorporée à un détachement plus important, sous les ordres d'un autre chef. Sans doute participèrent-ils aussi à la bataille de Patay, le 18 juin 1429, et au retrait sur Etampes, probablement avec ceux de Janville.
Tué le 3 mai 1429 à Orléans, lors d'une escarmouche, la mort de Richart GREY est relatée ainsi dans le "Journal du Siège" :
"... Y tua maistre Jehan d'une couleuvrine cinq personnes à deux coups. Et desquelz cinq fust le seigneur de GREZ... dont les Anglois firent grans regretz, parce qu'il estoit de grant hardiesse et vaillance."
Richart GREY, en 1414, avait été l'un des négociateurs pour le mariage du roi anglais Henry V avec Catherine de France.
Le 05/12/1414, il avait reçu des pouvoirs pour la négociation des trêves et, en novembre 1418, il était délégué d'Henry V à la conférence d'Alençon.
Un chef militaire, donc, doublé d'un diplomate, pour ce chevalier qui trouva la mort au siège d'Orléans.
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Montpipeau : vue des tourelles de l'entrée de la forteresse
(photo fin 19ème siècle)
Richard WALLER, capitaine de Montpipeau en 1429
Un écuyer anglais ayant participé au siège d'Orléans
Richard WALLER
Ecuyer - Bailli et capitaine d'Evreux - Capitaine de Conches
Capitaine de Montpipeau au temps du siège d'Orléans.
Montpipeau : lieu-dit de Huisseau-sur-Mauves, près de Meung-sur-Loire (Loiret) où existait une forteresse tenue par la famille de Mortemart. Les tours d'entrée du château médiéval existent toujours.
Richart WALLER participe à la campagne de Beauce, et sans doute participa-t-il aussi à la prise de Montpipeau. Il figure aussi au siège d'Orléans.
Le 6 novembre 1428, il fait "montre" à Orléans pour 25 hommes d'armes et 80 archers, devant Richard PONENGYS (PONNYNGZ) et "HOO", commissaire de SALISBURY, alors chef de l'armée anglaise mobilisée pour le siège.
Ces troupes font partie des "200 lances de Normandie" recrutées par SALISBURY.Les gages sont payés par le trésorier Pierre SURREAU.
Endenture du 23/12/1428 :
Retenu capitaine de 24 hommes d'armes et 84 archers à cheval.
Assavoir :
- Pour "gaiges et regars" de 23 hommes d'armes et 81 archers à cheval, "pour leur service tant au siège et conqueste sur la rivière de Loyre, comme à la garde dudit Montpipeau". Pour le 5ème mois, du 17/11 au 16/12/1428.
Montre à Montpipeau, le 05/12/1428, devant Richart FORTESCU et Guillaume COTEMORE, écuyers, "à ce commis par mesdissires de SUFFORK, de TALBOT et de SCALES" (qui étaient les trois chefs au siège depuis la mort de SALISBURY).
Quittance, le 27/12/1428, pour 745 livres 4 sols 2 deniers tournois.
(104 hommes sur 108 sont alors à Montpipeau. Il manque l'écuyer et 3 archers. Sans doute est-il sur Orléans avec cette petite escorte)
- "Pour gaiges et regars de luy", 23 hommes d'armes et 83 archers à cheval, "pour le service tant audit siège et conduict des vivres comme audit Montpipeau." Pour un mois, du 17/12/1428 au 16/01/1429.
Revue le 25/12/1428 devant Thomas FLAMYNG et Jehan DEDEM, écuyers, envoyés par messire Jehan POPHAM et Jehan HANNEFORD, chevaliers, commissaires.
Quittance, le 13/01/1429, pour 770 livres tournois.
Toute la troupe semble encore être basée à Montpipeau, où les commissaires envoient deux écuyers pour faire la montre. De là, ceux basés à Montpipeau gardaient la forteresse, les autres étant occupés à surveiller la région, et servir parfois également avec les escortes des convois de vivres et de munitions.
- "Pour gaiges et regars de luy", 23 hommes d'armes et 83 archers à cheval, "pour leur service comme-ci-dessus", de 14 jours "restans et finans le derrenier jour dudit moys de janvier inclus."
Deux montres :
Quittance, le 18/02/1429, pour 359 livres 6 sols 8 deniers tournois.
- "Pour gaiges et regars de luy", 19 hommes d'armes et 60 archers à cheval, "pour service au siège" - Mois de février 1429. Au prix de 6 livres tournois par archer.
Revue le 05/02/1429, "devant ledit Philibert et PARKER."
Quittance au siège, le 03/03/1429, pour 655 livres 16 sols 8 deniers tournois.
Cette fois, ces hommes sont bien stationnés au siège, à Orléans, car les archers touchent la paie prévue pour ceux "estans et restans" à Orléans, dans l'une des bastides de la cité.
- "Pour gaiges et regars" de 4 hommes d'armes et 23 archers à cheval, "pour leur service à ladite garde de Montpipeau" - Mois de février 1429, "lesquelz n'ont esté paiez que au prix de 100 sols tournois (5 livres) pour archiers."
(Les archers basés à Orléans avaient demandé et reçue une augmentation de leur solde, pour cause de vie chère. Cette portion de la compagnie de R. WALLER, basée à Montpipeau, n'en bénéficie pas, et touche la paie normale des archers.)
Montre le 07/02/1429, devant Thomas GIFFART et Ph. de MOLLENS, écuyers, commissaires.
Quittance, le 06/03/1429, pour 174 livres 3 sols 4 deniers tournois.
- "Pour gaiges et regars" de 20 hommes d'armes et 60 archers à cheval, "audit siège d'Orliens", pour service de mars, au prix de 6 livres tournois par archer et par mois, soit : 655 livres 16 sols 8 deniers tournois; "et pour le service d'iceluy moys (mars) des autres 4 hommes d'armes et 24 archiers, à la garde dudit Montpipeau, payez à 100 sols tournois pour archier pour ledit moys", soit : 179 livres 3 sols 4 deniers tournois.
"Monstre ensemble audit siège d'Orliens", le 20/03/1429, devant Thomas GUERART, écuyer, et maître Raoul PARKER.
Pour le tout, quittance au siège, le 24/03/1429, pour 835 livres tournois.
Total : 3.539 livres 10 sols 10 deniers tournois.
La troupe est à nouveau réunie, en entier, pour la "montre" du 20 mars. Cette "montre" dut se faire à Orléans. Sans doute avait-on besoin de renforts sur place. WALLER continue-t-il à assurer la garde de Montpipeau, en avril, où fut-il remplacé, par exemple, par des hommes venus de la garnison voisine de Meung ?
Donc:
Le total de la troupe, qui reste constant, doit bien être de 108 hommes, le chef n'étant parfois pas précisé, parfois compté comme homme d'armes.
Notice biographique succincte
- Août 1424 : à la bataille de Verneuil.
- 1425 et 1426 : Bailli d'Evreux - Capitaine de Conches.
- 18/07/1427 : idem.
- Novembre 1427 : devant Rambouillet.
- 1427 : Envoie des femmes comme "espies" (espionnes, agent de renseignements) dans les forteresses de l'Orléanais.
- 22/07/1428 : "sur les champs" sous WILLUGHBY.
- Novembre 1428 : chargé de la garde de Montpipeau, une partie de sa troupe y séjourne.
- 30/07/1429 : Bailli d'Evreux - Capitaine de Conches.
- Septembre 1430 : Bailli de Caen.
- 07/09/1431 : en Angleterre, sans charges.
Il a donc séjourné au moins durant 7 années en France.
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Signature de Thomas GYFFARD
L'ANGLAIS QUI A BLESSE JEHANNE LA PUCELLE
Siège d'Orléans - octobre 1428 - mai 1429
Une troupe de soldats anglais en garnison aux Tourelles
La compagnie du capitaine Anglais Thomas GYFFARD
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L'Anglais qui a blessé Jehanne la Pucelle !.....
Depuis octobre 1428, la ville d'Orléans était assiégée par l'armée anglo-normande, dont les soldats occupaient les bastilles réparties autour de la cité. Une garnison importante était stationnée au fort des Tourelles (ou Tournelles), bloquant ainsi le pont sur la Loire, dont la rive sud permettait de rejoindre facilement la Sologne et le Berry.
Lors de la reprise de ce fort, le 7 mai 1429, on sait que Jehanne fut blessée, au-dessus du sein, d'une flèche décochée par un archer anglais.
Sans doute cet archer restera-t-il toujours un illustre inconnu, mais pourquoi ne serait-ce pas, après tout, l'un des archers de la troupe ci-après ?
John CRABER, Gieff MORGAN ou John "DESSUS-LA-MER"... possible !
Ces hommes combattaient comme archers et hommes d'armes dans la compagnie du capitaine anglais Thomas GYFFARD, à l'époque du siège et de la délivrance d'Orléans, dont Jehanne fut l'inspiratrice sinon l'héroïne.
On trouve bien d'autres troupes de ce genre dans les chroniques, mais celle de cet écuyer anglais, venu combattre en France, et se trouvant mêlé à cette tourmente historique, nous a semblé relever d'intéressantes caractéristiques.
D'autant plus que ce capitaine eut une fin tragique, mais de combattant, puisque ce fameux 7 mai 1429, jour de la reprise des Tourelles par les Français qui entraînera la délivrance de la ville, Thomas GYFFARD, lors de ce combat, perdra la vie : tombé dans la Loire, il s'y noya.
Pour des raisons d'effectifs et de paye, les soldats étaient recensés à peu près chaque mois, et l'on a ainsi un "flash" de ce groupe (on disait alors : une "montre", sorte de revue militaire) d'une quarantaine de combattants, lors de trois dates : le 23 décembre 1428 (deux mois après le début du siège), le 25 janvier 1429 (à peu près au milieu) et le 9 mars 1429, avant l'arrivée de Jehanne elle-même sur le théâtre des opérations. Sur la base de ces hommes, nous allons tenter de comprendre un peu les tenants et les aboutissants de ces combats, des combattants, et ce qui tournait autour.
Troupes du capitaine Anglais Thomas GYFFARD
"pour lesquelz hommes d'armes et archiers de sa retenue, il aura et prandra gaiges, c'est assavoir :
- pour hommes d'armes, douze deniers esterlins le jour, monnoye d'Angleterre, avec regars accoustumez,
- et pour chascun archier, six deniers esterlins le jour, d'icelle monnoye, ou aultre monnoye coursable à la valeur, en la manière acoustumée."
Nous trouvons là mention de 66 personnes, représentant un effectif moyen d'une quarantaine d'hommes, car divers changements s'opèrent d'une date à l'autre, ainsi que nous le présente le tableau ci-dessous :
- hommes présents aux trois dates : 10 hommes d'armes + 20 archers = 30
- hommes présents à deux dates : 1 homme d'armes + 6 archers = 7
- hommes présents à une date : 4 homme d'armes + 19 archers = 23
- absents à chacune des trois dates : 0 homme d'armes + 6 archers = 6.
Cela représente, pour chacune des trois dates (y compris leur chef) :
- au 23/12/1428 : 12 hommes d'armes et 28 archers, soit 40 hommes,
- au 25/01/1429 : 11 hommes d'armes et 33 archers, soit 44 hommes,
- au 09/03/1429 : 13 hommes d'armes et 30 archers, soit 43 hommes,
c'est-à-dire un effectif moyen de 42 hommes, réparti entre 12 hommes d'armes et 30 archers environ.
Aux 23/12/1428 et 09/03/1429, la proportion est de 2,3 archers par homme d'armes.
Au 25/01/1429, elle est de 3 archers par homme d'armes, et conforme à la coutume d'Angleterre qui était en principe de 3 archers par "lance".
(Si l'on compte les absents signalés en décembre, on a 13 hommes d'armes et 36 archers, soit pratiquement la "bonne" proportion, et si l'on prend la totalité des hommes cités, 15 hommes d'armes et 51 archers, on arrive alors à 3,4 archers par homme d'armes).
On entendait par "lance" un chevalier (ou écuyer, ou homme d'armes) armé, accompagné d'un page et d'un coutillier, ce qui représentait au moins trois personnes, auxquelles se rajoutaient trois archers. Mais il semble que, dans les comptes, on ne comprenne que l'homme d'armes et les archers, mais pas les autres, comme par exemple :
"Rouland STANDISH, chevalier bachelier, est retenu capitaine de Charlemesnil, à 2 hommes d'armes et 6 archers, sa personne en ce comprinse, (soit 8) dont lui-même et 3 archers servant à cheval, et l'autre homme d'armes et trois archiers servant à pied."
Donc, en fait : Rouland et ses deux accompagnants, l'autre homme d'armes et ses deux accompagnants, soit 6 personnes, plus les 6 archers, soit en tout : 12 personnes.
L'homme d'armes représente une seule personne, et ses suivants ne sont pas comptés. Il faut en tenir compte lorsqu'on calcule les effectifs d'une troupe. En fait, 1 homme d'armes et 3 archers représente en réalité, non pas 4 hommes, mais 6 personnes.
Comme on le constate, les hommes d'armes étaient payés le double des archers (12 deniers esterlins par rapport à 6). Le chef de la troupe ci-dessus, Thomas GYFFARD, percevait la même solde.
Cette différence entre les soldes peut se justifier; les archers avaient un équipement beaucoup plus léger que les hommes d'armes qui, eux, devaient payer aussi le cheval, mais encore l'armure, le bouclier, les armes (lance, épée...) et aussi les suivants qui ne combattaient pas toujours, tels les valets d'armes, qui les aidaient à revêtir l'armure, à s'équiper, à monter à cheval, et qui entretenaient leurs armes.
Les archers étaient plus autonomes, n'étant équipés que de leur arc, leur trousse à flèches, et sans doute aussi d'une dague ou d'une petite épée qu'ils utilisaient lors des combats au corps-à-corps. Il est possible que les archers se cotisaient pour payer quelques ramasseurs de flèches, qu'on récupérait dans la mesure du possible, et qu'ils recrutaient sur place parmi les jeunes du lieu qui voulaient se rendre utiles tout en gagnant quelque pièce.
Pour cette troupe, voici un récapitulatif des salaires perçus pour cette période :
- 1ère période : hommes d'armes, 12x12 deniers est./jour + archers 28x6 deniers est./jour, total : 312 deniers esterlins/jour.
- 2ème période : hommes d'armes, 11x12 d.e./j. + archers 33x6 d.e./j., total : 330 d.e./j.
- 3ème période : hommes d'armes, 13x12 d.e./j. + archers 30x6 d.e./j., total : 336 d.e./j.
ce qui donne en moyenne 326 d.e./j., soit environ 7,76 d.e. par homme.
Les patronymes sont ici retranscrits littéralement, avec souvent des orthographes différentes d'une date à l'autre. Cela n'avait pas d'importance à l'époque, où l'on écrivait ce que l'on entendait, chacun le transcrivant à sa manière, qui pouvait être différente d'une fois à l'autre (par exemple : Burston et Bourston...)
Tous les scribes et les "plumitifs" n'étaient pas forcément des clercs et, dans le cas présent, il y avait aussi la difficulté de la langue et de la prononciation anglaise, tous les secrétaires n'étant pas de cette nationalité (par exemple aussi, Gieff devait sans doute être : Jeff).
Parfois il y avait carrément traduction : FALLQUEVER pour FAUCONNIER.
Certains noms à consonnance française comme JOLY, de la MORE (de LAMARE) BRETON, LENOIR, ALAIN (peut-être ALAN), ou connus dans l'histoire, comme YORK (YORKE, DIORK, DYORK).
Mais que penser de ce Jehan (John) DESSUS-LA-MER présent à deux dates ?
On relève aussi deux GYFFARD (GYFFART) : Thomas, l'écuyer, chef de la troupe, et Gybart (Gilbart), cité juste après lui, et qui n'est pas là au 9 mars. Sans doute étaient-ils frères, partis pour combattre ensemble.
Et aussi :
- Willem SOORY et John SOORY, absents au 23/12, et ne figurant pas aux deux autres dates,
- John STYLE (STILL) présent au 23/12 et 25/01 et ne figurant pas au 09/03, et Guillaume STILLE qui lui est présent au 09/03,
- Willem BURSTON, présent au 23/12 et John BOURSTON présent aux 25/01 et 09/03.
Pour les deux derniers cas, ils s'agit sans doute d'un "remplacement", un frère venant relayer l'autre qui doit rentrer au pays, est blessé ou peut-être tué, le survivant reprenant à son compte, pour le venger, le "contrat" passé avec le capitaine, qui était aussi sans doute son recruteur ou même son seigneur, et à qui la famille devait service.
Pour les prénoms, les mêmes phénomènes se répètent, soit dans leur francisation, ou par rapport à l'orthographe et à la prononciation. Les voici, récapitulés selon leur fréquence :
Dans cette compagnie, en plein combat, il ne fallait assurément pas lancer à la cantonade : "Jean, passe-moi des flèches !", car l'on avait peu de chances de réponse rapide ou, au contraire, tous les combattants répondant à ce prénom se seraient tournés en même temps, semant la pagaille dans la troupe !
En effet, l'on voit que ce prénom revient à 32 reprises dans la liste, soit pratiquement la moitié ! Mais c'était un prénom très répandu, tant du côté anglais que du côté français.
Mais quel était l'environnement qui attendait les hommes de Thomas GYFFARD lors de leur arrivée ? Comment était le lieu où ils devaient combattre ?
Les anglo-normands avaient établi des bastilles autour d'Orléans, mais la plus importante, celle où étaient stationnés Thomas et ses hommes, était la forteresse des Tourelles (ou Tournelles), bâtie sur le pont.
Description des Tourelles (Tournelles) en 1448 :
"Les Thourelles étaient composées de deux tours rustiques faictes en pierrez de taille à pointes, l'une a faiste, l'autre à demy faiste avec porte au milieu, deux porteaux, un guichet de vedette, deux herses et d'un pont-levis, une barrière volante avec chaînes, en avant du sud; elles avaient de plus un pont de bois sur chevalet, qui fut remplacé par une arche en pierrez. Ces Thourelles avaient trois étages voûtés, crénelés, avec meurtrièrez pour fauconneaux, veugliairez, bombardez et aultres artilleriez faictes et pratiquées depuis quelque cents ans; elles étaient en oultre entourées par le boulevert qui estoit fait de fagots et de terre."
(Mémoires de la S.A.H.O., t. 26 - Médiathèque Orléans)
Est-ce une description fidèle de la forteresse telle qu'elle était au moment du siège de 1428-1429, et telle qu'elle existait encore en 1448, ou une sorte de devis descriptif du projet de reconstruction ?
Car, au moment du siège, la forteresse avait souffert, et subi de graves avaries, les toitures brisées, les planchers effondrés ou brûlés et les murs percés par des projectiles. Quatre arches du pont (sur lequel elle reposait) avaient été rompues; les murailles du boulevard et celles des Tourelles profondément dégradées, menaçaient ruines.
Orléans était à ce moment une ville d'environ 15.000 habitants. Une cité importante, qui avait pu se doter d'un pont de pierre de 19 arches sur la Loire. La première arche était coupée d'un pont-levis, au nord, côté Beauce. Après la 6ème arche, les Orléanais avaient construit un petit fortin, sur l'une des îles d'appui, nommé bastille Saint-Antoine.
Sur la 18ème arche, un châtelet, composé de deux tours, réunies par un porche voûté, et sur la 19ème arche, comme sur la première, isolant le châtelet par un pont-levis, la construction qu'on nommait indifféremment le fort des Tourelles ou des Tournelles, car il y avait deux "tourelles", et aussi parce que c'est dans l'eau profonde qu'elle dominait que se faisaient les virages, ou "tournelles" des bateaux à l'entrée ou à la sortie d'Orléans.
Après la 19ème arche, côté Solognot, s'élevait une redoute en pierre, ou boulevart. Les remparts étaient garnis de 71 canons ou bombardes et de nombreuses couleuvrines (petits canons portables).
Orléans était donc une place importante pour tout le royaume, défendant le passage de la Loire, et d'où l'on pouvait conquérir plus facilement le Berry et l'Auvergne. Il fallait donc que les Anglais la prennent, et en particulier cette forteresse qui défendait le pont.
Du 17 au 20 octobre 1428, les anglais édifièrent la bastille des Augustins, sur la rive gauche, côté Sologne, sur les ruines d'un couvent que les Orléanais avaient détruit pour ne pas que les ennemis l'utilisent.
Le 21 octobre, ils avaient assaillis un "boulevert" de fagots et de terre, devant les Tourelles, dont l'assaut dura quatre heures sans cesser (de 10 à 14 heures). Beaucoup de blessés côté français, et "plus de douze vingt" (240) côté anglais.
Le 24 octobre, les anglais investissent la bastille et le fort des Tourelles. Ils rompent une arche en avant et une en arrière de ces ouvrages, les remplaçant par un tablier mobile, et aménageant en forteresse, sur la rive Solognote, les ruines du couvent des Augustins.
Une fois tout cela mis en place, la garnison anglo-normande fut plus réduite, commandée par William GLASDALE (GLASDALL) que Jehanne nommait "GLACIDAS".
Voici ce que virent les hommes de Thomas GYFFARD. Quels évènements allaient-ils y vivre ? On pourrait l'écrire un peu comme un "journal" qu'aurait tenu l'un des combattants :
- 1er décembre 1428 : le seigneur John TALBOT, baron d'Angleterre, arrive avec le seigneur d'ESCALES et 300 combattants, des vivres, bombardes et autres. Quelle dure journée où il a fallu aider à cantonner tous ces gens, et ranger en bon ordre tout ce qu'ils avaient amené !
- 31 décembre 1428 : une anecdote ! Deux français, Jehan Le GASGUET et "VéDILLE", tous deux Gascons hèlent les Anglais. On va aux remparts voir ce qui se passe. Ces deux-là nous défient de faire "deux coups de lance". Deux d'entre-nous sortent à leur rencontre. Enfin un peu d'exercice ! Beaucoup de spectateurs tant français qu'anglais se groupent pour voir le déroulement de l'affrontement. Guasguet jeta son adversaire à terre d'un coup de lance, un point pour les français, mais "Védille" et l'autre anglais ne purent se vaincre l'un l'autre, et regagnèrent chacun leur camp.
- Mardi 11 janvier 1429 : Vers 21 heures, les français tirent au canon sur la forteresse des Tourelles, et en détruisent la couverture et les combles. Quelle pagaille ! On se protège, mais six anglais furent tués et ensevelis sous les ruines.
- Dimanche 16 janvier 1429 : Vers 14 heures, arrivent 1.200 anglais avec John FALCOT, avec de nouveau des vivres, canons, bombardes, poudres, traits et autres. Cela se répètera à plusieurs reprises.
Le temps passe, entrecoupé d'escarmouches et de périodes de calme.
- 28 avril 1429 : un bruit court dans la garnison. Une pucelle nommée Jehanne, dont on avait entendu parler, une sorcière, est signalée par des courriers et des éclaireurs. Elle est à Chécy, sur la rive gauche, à peu de distance d'Orléans, en route vers nous.... Nous sommes dans la crainte, car il paraît que cette fille, possédée du démon, a pour objectif de nous chasser de France, par les armes s'il le faut. Mais il faudra qu'elle soit bien forte !
- 29 avril 1429 : Cette Jehanne passe aujourd'hui la Loire, au droit de Chécy, tout près de nous, en aval sur la Loire. C'est le matin, et elle s'arrête au lieu-dit Reuilly jusqu'à la chute du jour. Vers 20 heures, le même soir, nous entendons des cris et des ovations du côté de la porte Bourgogne. C'est cette fameuse pucelle qui entre dans la ville, accompagnée de deux cents hommes. Une grande partie de la population l'accueille, munis de flambeaux, et l'escortent jusqu'à la maison d'un certain Jacques BOUCHER, trésorier du duc d'Orléans, qui est prisonnier chez nous en Angleterre depuis 1415 paraît-il. Nous suivons leur parcours depuis le troisième étage de la forteresse. La liesse dure longtemps.
- 30 avril 1429 : La pucelle parcourt les rues d'Orliens à cheval. Elle se montre à tout le monde, et nous entendons dans la ville force ovations. D'où nous sommes, nous voyons très bien où elle se trouve dans la ville, entendant les cris qui montent jusqu'à nous.
- 1er mai 1429 : La pucelle accompagne un seigneur français et ses compagnons "hors aux champs". Ce seigneur est le demi-frère de notre prisonnier le duc. Il s'agit de Jehan de DUNOIS, dit le Bastard d'Orléans. Certains d'entre-nous ont déjà combattu contre lui, et il paraît qu'il est redoutable. S'il est là avec elle, il faut s'attendre à ce que "çà chauffe" dans les prochains jours !
- 2 mai 1429 : Des guetteurs nous informent que cette pucelle fait une reconnaissance autour de la ville, sans doute pour se rendre compte de l'état de nos défenses, bastilles et forteresses. Nous l'injurions copieusement, comme nous l'avons déjà fait !
- 3 mai 1429 : Cette fois, çà y est ! Je l'ai vue de bien près. Elle s'est avancée jusqu'au boulevard de la Belle-Croix, sur le pont. Nous l'avons bien observée et invectivée. Elle veut que l'on parte et nous menace. Elle est équipée comme un chevalier, avec son armure en métal blanc, et son épée au côté. Un page ne la quitte pas d'un pas, portant un étendard sur lequel on peut lire : "Jhésus-Marie". Pourquoi craignons-nous autant cette fille ? Elle est paraît-il investie de sa force et de son pouvoir de par Dieu. Qu'elle y vienne... nous l'attendons !!
- 4 mai 1429 : On nous signale que les français vont recevoir des renforts. Une armée s'avance, sur la rive droite, venant de Blois, envoyée par Charles, celui qui se prétend roi de France à la place de notre propre roi, qui est roi des deux pays. La pucelle est sortie à leur rencontre.
- 5 mai 1429 : C'est le jeudi de l'Ascencion. Tout est calme en apparence. On pense qu'ils étudient un plan d'attaque. Mais quand aura-t-elle lieu ? Cela ne devrait plus traîner maintenant. La pression monte chez nous et beaucoup sont impatients d'en découdre, mais aussi inquiets...
Mais... que se passe-t-il... ! Viens-y voir, pucelle, putain des Armagnacs, et tu verras ! Tu ferais mieux de rentrer chez toi et de garder les bêtes ou de faire ton boulot de nana ! Des cris, des insultes partent de nos murs à son encontre. Tout à coup, elle fait demi-tour, vexée sans doute de notre réaction. Nous passons toute la soirée à fourbir nos armes et nos arcs. Les chefs nous talonnent et gueulent après nous pour que tout soit en ordre, et prêt pour l'affrontement qui ne va pas tarder de se produire incessamment.
- 6 mai 1429 : Cà y est ! ils attaquent... Pas encore notre fortin directement, mais la bastille de Saint-Jean-le-Blanc, située sur la rive gauche à quelques centaines de mètres de nous. Les nôtres se retirent vite, car les français leur font peur tant ils y mettent de l'ardeur. Certains se réfugient aux Augustins, et d'autres viennent se replier jusqu'à nous.
Un peu plus tard, les français se sont avancés jusqu'à la bastille des Augustins et l'ont prise. Cette fois c'est sérieux ! Ils ne sont plus qu'à quelques dizaines de mètres. Heureusement le boulevard et le pont-levis nous protègent encore. Dans la lutte, cette diablesse de pucelle a été blessée au pied par une chausse-trappe. Cela va sans doute la calmer !
- 7 mai 1429 : Dure journée ! C'est la journée des Tourelles. Les français se battent comme des fous, subjugués par cette pucelle qui est partout, ordonnant de poser une échelle, de foncer, assurant que tout va bientôt être à eux. C'est assurément une sacrée fille ! On n'a jamais vu cà !
Nous commençons à être submergés par les ennemis qui, l'enthousiasme aidant, nous investissent de plus en plus vite. Nous avons du mal à contenir les assauts et, déjà, les premiers français arrivent en haut des remparts.
Je grimpe vite au troisième étage, et bandant mon arc et visant avec soin, j'aligne la fille, et lui décoche une flèche qui arrive sur elle, et la blesse juste au-dessus du sein. J'avais visé le coeur, mais la blessure est assez sérieuse pour qu'elle se calme un peu et, du fait même, que l'ardeur de ses compagnons soit moindre.
Un peu plus tard, tout va mal ! Un français venu sous le pont avec un bateau chargé de poix, y met le feu et saute à l'eau. Le pont-levis s'embrase vite, communiquant l'incendie au reste de l'édifice. C'est fini ! Nous ne pouvons plus résister.
J'apprend à ce moment par des copains que le seigneur Thomas, notre capitaine, en voulant contrer cette action, a été blessé, ce qui a provoqué sa chute dans la Loire où il s'est noyé. Le seigneur GLASDAL et d'autres capitaines importants sont morts eux aussi.
Bon sang... j'espère que ma fléche va emporter aussi cette pucelle ! Nos troupes lèvent le siège. Gilbart, le frère de notre capitaine, prend le commandement de notre troupe, et nous ordonne de nous retirer, chacun pour soi. Nous dégageons le plus vite qu'on peut. Avec quelques copains, nous fonçons vers le Champ-Saint-Pryvé, passons la Loire à la nage, et nous nous réfugions près de la porte Renart, dans la bastille Saint-Laurent.
- Dimanche 8 mai 1429 : Malgré sa blessure, cette pucelle est entrée à Orléans par le pont qu'ils ont rétabli tant bien que mal. Nous avons de plus en plus peur d'elle et de ses troupes ! Nos chefs, ce matin, nous font ranger en ordre de bataille. Les français sont en face, presque les yeux dans les yeux avec nous. Sans doute nos capitaines jugent-ils alors qu'il est plus sage de ne pas arriver à l'affrontement au corps-à-corps, car nous nous retirons sans combattre.
Gilbart nous enjoint de nous diriger, le long de la Loire par le côté rive droite, vers la ville de Meung-sur-Loire, où nous nous retrouvâmes tous bientôt, du moins ce qui restant de notre compagnie, pansant nos blessures et comptant nos morts (500 des nôtres y sont restés !), et repréparant nos armes pour un prochain combat, comme c'est le propre de tout soldat....
A Orléans, on organisa une messe dominicale, en plein champs, au-delà de la porte Renart, à laquelle assistèrent toute la population d'Orléans et les combattants. Dans la ville, la joie tourne au délire, et un héraut nommé Fleur de Lys est désigné sur le champ pour courir à Chinon afin d'informer le roi Charles de la victoire et de la délivrance de la cité.
Les habitants pillent ce qui reste des Tourelles et des autres bastides...
Nous sommes contents de les avoir quittées !
Voilà peut-être comment l'un des combattants de cette compagnie aurait pu se souvenir de ces journées.
Sans doute les hommes de cette compagnie participèrent-ils à bien d'autres combats.
Ce jour-là fut inaugurée la procession et la fête que la cité d'Orléans réitère chaque année jusqu'à nos jours, en souvenir de cet évènement.
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Le séjour de Gilles de RAIS à Orléans
De septembre 1434 à août 1435, Gilles de RAIS séjournait à Orléans, où il faisait représenter le "Mystère d'Orliens", qui fit jouer des centaines de personnes. Cette oeuvre de 20.529 vers coûta à Gilles plus de 80.000 écus d'or. Une fortune !
140 personnages défilaient sur scène, sur une sorte de podium installé tout près du pont, et les costumes ne devaient être portés qu'une seule fois !
Ce grand seigneur, compagnon de Jehanne la Pucelle, maréchal de France à 24 ans, fut aussi le plus sombre des tueurs et des pédophiles, et on lui fit un procès, à Nantes, où il fut condamné à mort.
A Orléans, il dépensait sans compter, et les habitants regrettèrent son départ. Il se déplaçait avec une suite énorme, et avait même une "chapelle", avec chantres, chorale et chanoines, plus encore sa "maison" militaire. Il fallut loger tout ce monde à Orléans.
Gilles était logé à l'Hôtel de la Croix-d'Or, et son frère René de La SUZE au Petit-Saumon.
Doyen, dignitaires et chanoines de sa chapelle à l'Ecu-de-Saint-Georges. Les chantres chez Jehan FOURNIER, à l'Enseigne-de-l'Epée.
Les hérauts d'armes, le capitaine d'armes, quatre chevaliers, l'armurier, le trompette et leurs compagnons, prirent places en 4 auberges : la Tête-Noire, le Grand-Saumon, la Coupe et l'Image-de-Sainte-Marie-Madeleine.
Ses serviteurs et ses valets en trois autres hôtels.
Il avait fait garder ses chariots et loger ses chevaux à la Roche-Boulet et à l'Enseigne-du-Fourbisseur. Quelques auberges encore pour ses invités et le reste de sa suite.
Il y eut quelques problèmes avec la justice du duc d'Orléans, comme pour le nommé Noël le COUTURIER, "serviteur de monseigneur de Rais", qui fut alors condamné à une amende de 16 sous, "pource qu'Estienne GALU, sergent de monseigneur le duc, naguère vouloit faire l'exécution, en l'ostel de la Tête-Noire ouquel ledit Noël estoit logié, pour la taille (l'impôt) de l'église, ledit Noël s'est adressé audit sergent et luy a dit qu'il n'estoit que pilleux et qu'il n'emporteroit rien dudict hostel, et tira sa dague et fist plusieurs aultres rebellions."
Gilles de RAIS, incapable de rembourser Jacques BOUCHER, trésorier du duc d'Orléans, à qui il devait 192 pièces d'or, "pour cause de prest à luy faict de nouvelles dettes et en oultre aultres sommes qu'il doit, tant en or et en argent comptant, comme en vins et aultres denrées... à paier avant que ledit seigneur parte d'Orliens".
Gilles lui laissait en gage "ung cheval bayard à longue queue qui est ès mains de Colin le GODELIER, avecques ung cheval noir appelez Cassenoiz et huit chevaulx de harnois garnis de harnois."
Gilles commençait à manquer d'argent. On sait que, sa fortune dilapidée, il se livrera aux choses les plus noires, les plus atroces, et qu'il sera condamné et exécuté.
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